Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

106 ASSEMBLEE

démolition de ce fameux donjon, il se préparait une scène horrible au château des Tuileries. Des poignards, faits à l’avance et d’une forme particulière, annoncent que le complot avait été tramé de longue main; un fort anneau servait à les tenir , et il en sortait une lame à denx tranchans se terminant en langue de vipère. Le rendez-vous était donné au château; là devait se réunir une foule de prétendus amis du roi : ils de vaient crier que sa vie était en danger, et se servir des armes qu'ils auraient apportées. Un homme qui arriva deux heures trop tôt découvrit le complot. La garde nationale apercut un poignard sous son häbit; il fut arrêté et fouillé; on lui trouva des pistolets, et il fut conduit au district. La garde , ainsi avertie, vitarriver, deux heures après, des hommes suspects: elle les fouilla à'mesure ; et leur ayant trouvé beaucoup de pistolets, elle se contenta de les désarmer et de les chasser. Il y en avait un grand nombre dans le jardin , ils recurent le même traitement. Quelques personnes furent arrêtées, et bientôt élargies. Personne n'avait recu de mal , les jours du roi sur-tout étaient hors de péril ; l’affront que les conjurés avaient recu fut la seule vengeance qu’on en tira , et les tribunaux ne donnèrent aucune suite à cette affaire; mais les citoyens furent toujours plus convaincus qu'on voulait enlever le roi.

Leurs craintes s’accrurent sur la nouvelle du voyage prochain du roi à St-Cloud. Ils regardèrent ce voyage, qui n’avait pour objet apparent que d’y aller faire ses pâques, ce qu'il pouvait faire à Paris, comme un prétexte pour son évasion. L'idée des maux affreux qui résult-raient de la fuite du roi, et des horreurs d’une guerre civile, échauffa tous les esprits. Le peuple se porta en foule au château , au moment où le roi était déjà en carrosse, ets’opposa à son départ. Vainement M. Bailly et M. de la Fayette voulurent user de leur ascendant pour maintenir au roi la liberté de partir; ils ne furent point écoutés. Des orateurs ardens criaient que, si le roi venait à fuir, le sang des citoyens ruisselerait dans les rues, et que la France serait livrée aux horreurs de la guerre civile, Ces images affreuses leur donnèrent, et même à la garde, une telle persévérance , que le roi et la reine furent obligés de rentrer dans le palais. Nous savons bien, disaient dès grenadiers , que nous violons la loi; mais le salut de la patrie est la première de toutes.

Le roi alla communiquer à l’assemblée nationale qu’il persistait dans le dessein d’aller à St-Cloud, et que l’on ne devait pas s’y opposer, pour ne pas laisser croire qu’il n’était pas libre. Il y alla en effet; et, prenant le moment le moins propre à se faire croire, le ministre des affaires étrangères écrivit une lettre à tous les ministres de France danslescours de l’Europe.