Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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conserver leurs paroissiens et à les intéresser en leur faveur par tous ces moyens qu'ont à la main ceux auxquels les hommes ont donné leur raison à gouverner. Cette division fit espérer aux ennemis de la constitution qu’on amenerait les Français à une guerre pour les prêtres, puisqu'ils ne voulaient pas la faire pour les nobles, qui, véritablement n’avaient pas des idées abstraites à présenter aux esprits subtils. Les courtisans et les privilégiés devinrent tout-à-coup dévots ; on le fut à la . cour ; on le fut même à Worms et à Coblentz. Mais les citoyens de Paris, même les moins éclairés, n’étaient pas dupes de cette momerie : or, sans Paris, l'on ne fait point de guerre civile.

La paix de l’empereur donnait de grandes espérances aux privilégiés de France. L’Europe entière avait suspendu ses querelles ordinaires, et rien-ne faisait diversion à l'attention que la moitié des cours donnait à la Pologne et toutes à la France. Les émigrés, que recevaient et caressaient quelques princes de l’empire, faisaient de petites recrues et de grandes menaces. Mais on mûrissait depuis long-temps un projet bien plus dangereux pour la nation francaise : la cour de Vienneet celle d'Espagne, c’est-à-dire les plus proches parens du roi et de la reine, en étaient le ressort. C'était, dit-on, l'objet de cette suspension d'armes de tous les souverains. Les courriers qui allaient et venaient sans cesse d’une cour à l'autre, ét les visites que se firent quelques rois, semblaient n’avoir pas d’autre objet. M. de Breteuil conduisait la trame. M. de Calonne agissait auprès du ministère anglais pour avoir des secours, et les princes voyageaient par-tout. Le Piémont, Venise, Vienne, les virent tour-à-tour chercher et obtenir des promesses d'hommes et d'argent. Ils revenaient ensuite à Worms et à Coblentz. Ils s’y étaient formé une cour, qu'ils ont agrandie depuis, afin que personne ne pût douter que c'était toujours la cour de France qui faisait la guerre à la nation. Versailles s'était transporté à Worms.

Mais personne n’employait des moyens plus dangereux et plus perfides que M. de Bouillé, parce qu’il tramait ses complots dans l’intérieur du royaume. C'était lui qui, après avoir Tong -temps refusé de prêter le serment à la constitution, exigé de tous les militaires, le prêta ensuite avec une apparence de franchise qui séduisit la moitié de la France. Le roi parut le juger digne que la garde des frontières lui fût confiée , etileut le commandement de la Lorraine. C’est à lui que l'on a reproché depuis le massacre inutile de quelques régimens égarés par un excès de patriotisme, les désastres de la ville de Nancy, et une guerre civile de quelques jours entre les citoyens et les soldats , laquelle pouvait irriter toute l’armée etl’aigrircontre la nation. Il profita de la place de confiance qui lui avait été