Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTF. 103

donnée pour ménager au roi une retraite sur les frontières de Luxembourg, pays appartenant à l'empereur, afin que l’armée qu'aurait le roi püt être soutenue de toutes les forces de l'Allemagne. Dégarnir la frontière, laisser les places sans défense et les arsenaux sans munition , s’entourer de régimens étrangers à la solde de la nation, diviser les troupes nationales, s'assurer d’intelligences dans les villes avec les parti sans de l’ancien régime, préparer un camp fortifié sur lafrontière : tels furent les moyens employés par M. de Bouillé pour faire la guerre à la nation qui le payait. Montmédi , place forte, était la ville où le roi devait être conduit pour commander la noblesse et se faire chef de parti contre son peuple. Mais on dit qu’on préparait une retraite plus sûre au roi dans une ville située en terre étrangère, à deux lieues de la frontière. Vainement les citoyens de ces pays donnaient des avis sur la faiblesse de leur défense et sur les préparatifs dont ils étaient témoins; le ministre de la guerre disait toujours que tout allait bien : celui des affaires étrangères nous rassurait surles dispositions des autres cours. Le pouvoir exécutif, qui ordonnait tout et disposait de tout ,avaitles plus grands avantages contre la nation, et il savait en profiter.

À l'approche du moment où le roi devait fuir, les emigrations redoublèrent ; on fit disparaître le plus d'argent qu’il fut possible ;ontâcha, danschaque régiment, de débaucherbeaucoup de soldats; les prêtres redoublèrent desoins pour diviser les familles: plusieurs officiers quittèrent leurs régimens ; les * chefs des gardes du roi usèrent de leurautoritéet de l'influence de Pesprit de corps pour les entraîner dans la conjuration ; et lon vit accourir à Paris une grande quantité de ceux qui autrefois portaient en France le titre de nobles. ,

La nouvelle de la fuite du roi était répandue à l'avance dans les pays étrangers, et plusieurs personnes la reçurent à Paris. La crainte de la fureur des citoyens quand cet événement éclaterait dépeuplaitles châteaux et les gentilhommières. Leurs habitans titrés allaient à Paris, oùils pensaient queleurs braset leurs épées pourraient être utiles, ou.ilssortaient du royaume emportant avec eux beaucoup d'argent. De là ils invitaient leurs amis à quitter la France. La municipalité et M. de la Fayette recurent les avis de la prochaine évasion du roi; les journalistes lannoncèrent; et la reine elle-même en plaisantait avec les officiers de sa garde la veille de sa fuite. Les municipaux et M. de la Fayette parurent avoir pris des précautions suffisantes pour prévenir cet événement; mais elles ne le furent pas. Le roi , la reine et leurs enfans, et madame Elisabeth , sœur du roi, s’enfuirent dans la nuit du 20 juin, précisément la plus courte nuit de l’année: Monsieur s’enfuitaussi.