Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

104 ASSEMBLEE

Ils prirent la route de Montmédi, et Monsieur celle de Mons.

Quand on sut cette nouvelle dans les pays étrangers, on n’y douta pas que la France ne fût livrée à toutes les horreurs de l'anarchie et de la guerre civile. Mais certes, s’il y eut jamais un grand et beau spectacle, c'est celui que présenta la nation francaise depuis Calais jusqu'aux Pyrénées. Le premier moment fat de surprise, et le second de calme et de repos. Tout se rallie autour de l’assemblée nationale, unique mais puissante ressource d’un grand peuple. Jamais la majesté d’une nation n’a été, jamais elle ne sera plus imposante. À Paris, il sembla que les citoyens étaient déchargés d’un pesant fardeau; ils n’avaient plus de roi. Le peuple, par un mouvement général, effaça de par-tout son nom etson effigie; ils le furent de cette multitude d’enseignes que, sous le despotisme, on décorait de son titre ou de sa couronne, etle soir il n’en restait pas une seule trace. Les gardes nationales se réunissent sous leurs drapeaux,et vont prêter serment de fidélité à l'assemblée nationale au bruit d’une musiqué militaire. Les citoyens de Paris les imitent, et, pendant trois heures entières, ils défilèrent dans la salle haussant la main et prétant le serment.

L'assemblée cependant se montrait digne de la confiance de la nation. Elle manda sur-le-champ les ministres pour leur ordonner d’exécuterles lois. Elle envoya des courriers dans tous les départemens, pour donner l’ordre d’arrêter toutes personnes sortant du royaume, et pour les instruire de ses dispo sitions. Elleexigea de tous les militaires fonctionnaires publics le serment de fidélité à la nation. Dans sa mémorable séance, qui dura sept jours et sept nuits, elle s’occupa de prévenir les désordres, d'entretenir le courage des citoyens, et de montrer par son sang-froid et sa fermeté qu’elle était digne de commander aux circonstances. Il est remarquable que, dès le second jour après qu’elle eut pris toutes les précautions qu’exigeait la sûreté de l’empire, elle reprit tranquillement l’ordre de son travail interrompu, et discuta le code pénal.

Trois jours se passèrent ainsi sans roi. La France était unie, forte et tranquille. Les deux partis s’étaient même rapprochés dans tout le royaume, et par-tout les forces nationales s'étaient mises dans un état imposant. Mais quand on se représentait le roi fugitif, manquant à sa parole solennelle et tant de fois donnée; quand on pensait qu’il allait rentrer dans le royaume à la tête d'une armée étrangère; que les rois voisins n’attendaient que ce moment pour faire une invasion en plusieurs endroits à-la-fois, et qu’il serait suivi de cette foule de nobles et de grands seigneurs qui disaient qu’il leur tardait de s’abreuver de notre sang, l’indignation et la fureur étaient au comble. En quelques lieux du royaume, on s’assura de la per-