Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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sonne des mécontens, mais sans violence ni mauvais traite= mens, et peut-être ils n’ont jamais été plus sûrs de leurs biens et de leurs vies. Cependantles fugitifs triomphaient à Mayence, à Coblentz, à Luxembourg, à Bruxelles, à Londres, en Allemagne, en Italie. Les témoignages de leur joie allèrent jusqu’à l'extravagance. Ils étaient persuadés que le temps des proscriptions et des vengeances était arrivé. Des courriers sont expédiés dans toutes les cours, et les Français émigrés se mettent en marche pour aller joindre le roi. ;

C’est un des inconvéniens du gouvernement morarchique, que le salut de toute une nation y dépend de l'existence de son chef. La France allait être livrée à toutes les fureurs de la guerre civile, parce qu’un homme était sorti de l’empire. Les destinées du royaume étaient en suspens; et l'Europe, atten= tive, regardait comment allait commencer cette longue suite de scènes sanglantes. Mais un petit nombre de citoyens sauva l’état, en arrétant le roi à quelques lieues de la frontière. Depuis long-temps on avait dit que les quarante mille municipalités du royaume étaient antantdesentinelles dela révolution : on l’éprouva. Les municipaux de Ste-Menéhould étaient alarmés de quelques mouvemens de troupes dansleur ville ,quand le sieur Drouet, maître de poste, alla leurannoncer qu'ilavait vu passer une voiture qui lui avait paru suspecte. On lui ordonna de la suivre. Il avait cru reconnaître le roi et la reine, leur voiture était escortée de dragons. Il prend un chemin de traverse, devance le roi à Varennes, avertit le maître de poste, et, comme e’était au milieu de la nuit, avant que de demander du secours et de réveiller personne, ils allèrent au pont par où le roi devait passer, pour le barricader. Heureusement ils y trouvèrent une voiture chargée de meubles, ils la renversèrent à l’entrée du pont. Ils allèrent ensuite avertir le procureur de la commune, le mäire et le commandant de la garde nationale. Huit hommes de cette garde arrêtent le roi, malgré des hussards qui accourent le sabre à la main: ils leur crièrent que, si on voulait l’arracher, on ne l'aurait que mort. Le commandant de la garde nationale avait fait amener deux pièces de canons sans poudre ni boulets; il feint de les décharger sur les hussards : tout cède ; et le roi est prisonnier. Le tocsin sonnait par-tout, les gardes nationales arrivaient de toutes parts; les soldats eux-mêmes se joighirent à eux : et M. de Bouillé, renonçant à l’idée d’enlever le roi, s'enfuit hors du royaume.

Le roi fat conduit à Paris par des milliers de gardes nationales qui se relevaient sur la route. Les braves citoyens de Varennes, qui l'avaient arrêté, le suivirent jusqu’à la capitale, dont les citoyens armés allèrent le recevoir hors de son

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