Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 107

Maïs l’assemblée nationale ne crut pas que Île royaume füt en état de supporter une seconde révolution. Les finances étaient en désordre, le numéraire avait disparu, l’organisation nouvelle était mal affermie , les impôts ne se Percevaient pas, et le peuple soupirait après le repos. De plus longues agitations auraient fait disparaître l’industrie , qui ne peut être long-temps suspendue sans se perdre et s’anéantir, L’assemblée avait déclaré d’ailleurs que la France était une monarchie; et il ne fallait pas penser qu'un pays d’une aussi vaste étendue pôût être soumis à la forme purement républicaine. De si grandes distances, des peuples si divers, même de langage, d’habitudes et de mœurs , des idées si nouvelles pour la plupart d’entre eux , le nom de roi qui toute leur vie avait résonné à leurs oreilles, l'attachement que donne l'habitude ; tout fitpenser à l'assemblée nationale que la France devait être une monarchie , et que, dans la constitution nouvelle, où les ministres seuls sont responsables , Louis XVI était le roi qui conve. nait aux Francais.

Qui pouvait prédire d’ailleurs comment finiraitcettenouvelle révolution? Le roi, la noblesse et le clergé réunis avaient encore assez de moyens pour jeter le trouble dans le royaume. La captiwité du monarque le rendait intéressant ; et des informations judiciaires, faites contre lui, auraient attiré à sa cause un très-grand nombre de partisans, et auraient attisé les feux d’une guerre civile. Les prinees étrangers pouvaient nous surprendre dans-cet état de faiblesse et de division ;et, quoiqu'aucun d’eux n’eût assez de moyens pour nous attaquer dans l’état ordinaire des choses, une réunion devenue facile pouvait déchiver Ja France, si elle ne la démembrait pas. Le projet d’un conseil de régence , en éveillant l'ambition de tous ceux qui auraient prétendu à cet honneur, aurait divisé l’assemblée nationale, déchiré l'empire, et multiplié les sources, déjà trop nombreuses , de divisions et de partis.

D'après ces considérations, assemblée se persuada qu’il fallait achever la constitution comme elle avait été commencée. Louis XVI, roi d’un peuple libre et qui se donne lui-même ses lois, devait être satisfait des prérogatives attachées à sa couronne : son évasion lui ayant été évidemment suggérée , il devenait digne de la nation d’oublier cette faute; et le roi pou= vait en être touché. Il devait avoir appris enfin, après des tentatives inutiles, qu’il lui était impossible de résister à la volonté nationale, et que son intérêt était de se réunir à son peuple.

En rendant le repos à la France, il se le donnait à lui-même. Sa famille régnait infailliblement sur le peuple français : les rois de l’Europe n'avaient plus de prétexte pour le soutenir,