Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3, S. 256

LEGISLATIVE. 217

» cère, mais je sais au moins qu’il fut bien tardif. Je les aï vus » adorateurs de M. de Lafayette; ils furent un momentses ad» versaires , ils le parurent au moins, mais je les ai vus épar= » gnés seuls, après l’odieux succès ; que peut-être ils lui pré» parèrent. Les patriotes surent faire les plus grands efforts » sans leur concours, les patriotes doivent se tenir en garde » contre leurs suggestions. »

On peut juger par le ton de ce discours, quelles divisions existaient déjà entre les adversaires de Louis. La cour , au lieu de savoir profiter d’une discorde si favorable à ses vues, s’abandonna elle-même à des querelles intestines. Les ministres qui n'avaient que quelques jours d’existence, agissaient entre eux en ennemis déclarés. Ils se disputaient la confiance d’un roi faible et épouvanté, habitué dès long-temps à ne jamais penser, comme à ne jamais agir par lui-même. Le ministre de la guerre, Narbonne, jeune homme plein d'activité, de graces et de talens, voulait que le roi fit des sacrifices à la popularité, qu’il lui était important de recouvrer. Cahier de Gerville, hômme d’un patriotisme pur et sévère, le secondait avec zèle. Ils avaient deux adversaires dans Bertrand de Molleville et Delessart. Ge dernier qui conduisait les négociations, crut imprudemment qu'elles pouvaient se diriger de manière à rendre la position du roi plus respectée en France. Il suivait une poLtique dilatoire; convaincu que rien ne portait Léopold à la guerre, il espérait tirer quelque parti des menaces que pou vait faire le chef d’une puissance militaire redoutée. Narbonne s'offensait de négociations trop lentes et trop timides. On connaissait mal, selon lui, les chefs actuels du parti populaire, ils ne voulaient avoir que des gages de la sincérité de latour, il fallait s'empresser de les leur donner. Dans cette pensée, Narbonne pensa à se rapprocher de Brissot et de Condorcet. Il eut avec eux quelques liaisons, dont les autres ministres lui firent un crime, Îl prépara la guerre, il alla visiter les places fortes, il s’efforca d'arrêter l’insubordination des soldats, et satisfit à leurs plus justes plaintes. Il ft nommer Lafayette général d’une des armées qu'il avait organisées. Ce choix ne parut point déplaire à Brissot et à Condorcet. Narbonne se présentait avee confiance à l'assemblée, sa présence n’excitait point les orages qui naissaient toujours à l’aspect de Delessart et de Bertrand. Plus d’une fois même, il y reçut queiques signes de fayeur. Le parti de la Gironde le défendit contre les accusations des patriotes les plus ombrageux. Il jouissait de sa popularité naissante, en songeant qu'elle pouvait être utile au roi. Les succès encore mal assurés, que lui valurent cette conduite adroite, augmentèrent sa confiance et son ambition. Il voulait asservir entièrement Louis au nouveau système qu’il avait embrassé,

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