Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3, S. 257
215 ASSEMBLEÉE
H s'exprimait au conseil, avec amertume, sur l'inertie calculée de quelques ministres; ceux-ci lui répondirent avec dédain. Le roi ne put consentir à se placer sous la tutelle de celui que ses rivaux lui dépeignaient, comme un jeune homme présomptueux, et peut-être perfide. Le parti de la Gironde, instruit de ces démêlés, promit, plus fortement que jamais, protection à Narbonne, et s’occupa de hâter la chute de ceux qui contrariaient ses plans.
Un violent orage grondait dans l'assemblée , contre Deles-
sart et Bertrand de Molleville; ce dernier confondait quelque-
fois ses accusateurs, par un ton de fermeté et une présence d'esprit remarquable. On s’irritait de ne pouvoir trouver un coupable, dans un homme qu’on ne pouvait pas croire sincère. Il avait long-temps manifesté son éloignement pour les rincipes de la révolution ; on ne le plaçait pas tout-à-fait dans ha classe de ses ennemis les plus emportés, mais on le regardait, par cela même , comme l’un de ses ennemis les plus dangereux. Il possédait la confiance du roi et de la reine, il n’était pas appelé à leur rendre d’importans services dans le ministère de la marine, mais il était puissant au conseil ; on le destinait au ministère de la justice , dès le moment où l’on aurait acquis assez de confiance pour hasarder cette nomination. Bertrand de Molleville avait un peu étudié cette science nouvelle, qu’on appelle la tactique révolutionnaire. Il savait par quels moyensles factieux préparaientun mouvement, commandaientun décret, il crut qu’on pouvait quelquefoisleuropposer les mêmes moyens. Il avait fait quelques tentatives à cetégard, telles que de salarier les tribunes, des orateurs de groupes, et même de corrompredes chefs du parti populaire.ll a rapporté, avec quelque complaisance, dans sesmémoires,ses essais dans ce genre; ils annoncent pas une grande habileté dans un art où l'avantage reste toujours à celui quiosetout et nerougit de rien. Lassés des représailles que Bertrand de Molleville exerçait contre eux-mêmes, les adversaires de la cour saisirent un prétexte assez frivole, pour demander , contre lui, un décret d'accusation , il fut rejeté à une majorité considérable. Le parti ministériel s’étonna d’avoir remporté une victoire, et se reposa dès le lendemain. Aussi , l’assemblée rendit-elle un dé cret, par lequel elle déclara que le ministre de la marine , Bertrand, avait perdu la confiance de la nation. Le roi le retint encore dans son conseil, jusqu’au moment de la catastrophe dont Delessart fut victime , et dont je vais rendre compte. L'assemblée portait sans cesse des regardscurieux et inquiets, sur les relations diplomatiques. Il lui suffisait de décréter un message au roi, pour être instruite de tout ce qu’il n’était pas encore temps de révéler. Delessart crut un jour calmer ses plus