Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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LIVRE TROISIÈME.

LA révolution française venait de faire en un jour un grand pas; le tiers-état était la nation. La France, après avoir perdu ses états-généraux, les recouvrait avec un éclat supérieur à tout ce qu'ils furent dans les âges précédens, où les communes n’avaient développé qu’une énergie inutile, parce que les ordres privilégiés étaient les plus forts. Mais la nature des choses et le cours successif d’un peu. ple qui, coulant à travers les siècles, se grossit en marchant, avaient donné à ce tiers-état une consistance imposante. Et lorsque, dans ces derniers temps les ordres privilégiés eurent perdu de leur grandeur, qui consiste toute dans l'opinion, la faute qu'ils firent de conserver toutes leurs prétentions dut les faire succomber dans la lutte. On ne peut pas assurer que si, dès les premiers jours, la noblesse s'était réunie au tiers-état, au lieu de le révolter, elle n’eût conservé plusieurs de ses priviléges: mais elle s’annonça, dès les premiers momens, avec la plus grande hauteur, et prononca le schisme qu’elle ne pouvait pas soutenir. Le haut clergé, qui étudiait les forces des deux partis et qui traînait en longueur selon sa politique ordinaire, séduisit la noblesse par l'espoir d’une coalition peu vraisemblable, puisque le elergé était divisé. Enfin ils se trompèrent tous les deux en pensent que leur réunion avec la cour arrêterait un torrent auquel tous ensemble ne pouvaient opposer que de faibles digues, et qui devenait plus fort par’ les obstacles. L Cependant, aussitôt que les communes se furent constituées en assemblée nationale, la noblesse, les évêques , et cette partie de la cour qui jamais n’avait voulu les étatsgénéraux, crurent sentir la nécessité de se rallier contre la puissance de ce corps qui n'avait jamais eu de modèle. Un grand nombre de curés avaient porté leurs pouvoirs à vérifier dans l'assemblée nationale; de là ils retournaient dans leur chambre pour y soutenir la cause de la nation. Dans la chambre de la noblesse une faible minorité défendait la même cause avec un moindre succès ; car déjà le clergé, à la majorité de cent quarante-neuf voix contre cent vingt-six, avait décidé la vérification des pouvoirs en commun avec quelques amendemens. Tout annonçait une réunion inévitable des ordres, lorsqu'il fut résolu de la prévenir; et, selon la démarche des passions irritées, on en brusqua les moyens et l’on se décida à employer