Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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obligeaient à se mettre en activité; elles envoyèrent une dernière députation aux deux autres ordres pour les inviter à se réunir dans la salle natiovale, afin d'y vérifier les pouvoirsen commun, leur annonçant que l’appel des bailliages se ferait le jour même. Les communes ÿ procédèrent en effet; et il est digne de remarque que trois curés du Poitou, persuadés que les pouvoirs devaient être vérifiés en commun, vinrent apporter les leurs. Tous ceux des députés des communes furent vérifiés; et le moment arriva où elles devaient se constituer en assemblée active. |

La coalition des deux premiers ordres avec la cour était connue. On avait annoncé que les communes, se regardant avec raison comme la très-grande majorité de la nation, se constitueraient en assemblée nationale; et les ministres regardaient cette démarche comme une folie que le roi ne devrait pas souffrir. Les plus hardis des communes, en pensant que les représentans du peuple étaient vraiment les représentans de la nation, mais sachant aussi quels assauts ils auraient à supporter, cherchaient un mot qui conservât l’idée sans effaroucher la cour. Ils ignoraient si la nation était assez avancée pour les soutenir de toute la puissance de sa volonté; ils eraignaient pour elle-même des suites que pourrait avoir une démarche qui allait exciter de la part de autorité les mesures les plus violentes. Mais une longue discussion s’étantouverte, il en sortit de si grandes lumières et une si grande énergie, que les députés se réunirent presque tous à une même opinion. Ce fut le 17 juin 1789, au milieu d’une affluence immense de spectateurs de Paris et de la cour, que les députés des communes se constituèrent en assemblée nationale. La salle retentit des cris de vive le roi et l'assemblée nationale. Mais lorsque les représentans du peuple se levèrent en silence pour prêter le serment de remplir avec zèle et fidélité les fonctions dont ils étaient chargés, l’attendrissement et l'enthousiasme s’emparèrent de tous les esprits. Chacun sentit que la nation était remontée à sa véritable hauteur. Plusieurs citoyens coururent porter ces nouvelles à la capitale, tandis que l'assemblée nationale, consacrant au bien public les premiers exercices de son pouvoir , décrétait que les impôts, quoique non consentis par la nation , continueraient d’être perçus; qu’un de ses premiers travaux serait de consolider la dette publique; et qu’il serait nommé un comité pour s'occuper des moyens de remédier à la disette qui affligeait le royaume. Ainsi finit cette mémorable journée, quirendità la nation francaise les droits qui appartiennent aux hommes réunis en société. La cour et les ordres privilégiés en frémirent; et, sur cet horizon nébuleux d’où partit si souvent la foudre, on vit bientôt se former de sinistres orages.