Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 37

et paternelle, plus digne de son cœur que celle dont il les menace. On permet à M. Bailly, leur président, d’entrer dans la salle avec quelques membres pour y prendre les papiers : et là il proteste contre les ordres arbitraires qui la tiennent fermée. Enfin il rassemble les députés dans le jeu de paume de Versailles, devenu célèbre à jamais par la courageuse résistance des premiers représentans de la nation française, On s’encourage en marchant; on se promet de ne jamais se séparer et de résister jusqu’à la mort. On arrive; on fait appeler ceux des députés qui ne sont pas instruits de ce qui se passe. Un député malade s’y fait transporter. Le peuple, qui assiége la porte, couvre ses représentans de bénédictions. Des soldats désobéissent pour venir garder l’entrée de ce nouveau sanctuaire de la liberté. Une voix s'élève; elle demande que chacun prête le serment de ne jamais se séparer, et de se rassembler par-tout jusqu’à ce que la constitution du royaume et la régénération publique soient établies. Tous le jurent, tous le signent, hors un; et le procès-verbal fait mention de cette circonstance remarquable. La cour, aveuglée, ne comprit pas que cet acte de vigueur devait renverser son ouvrage. Les préjugés qui régnaient dans cetie atmosphère supérieure, y faisaient regarder avec mépris des bourgeois, des avocats, des roturiers. La dignité du peuple et de ses représentans n’était pas encore reconnue.

Il semble cependant que la cour aurait dû ouvrir les yeux sur la faute qu'elle venait de faire et changer ses dispositions. Néanmoins elle y persista : seulement le roi fit renvoyer la séance royale du 22 au 23, afin qu’on eût le temps de détruire les travées où l'assemblée nationale laissait placer un grand nombre de spectateurs. Cette petite circonstance futune faute encore; car elle donna le temps à la majorité du clergé de se réunir aux communes. Ce jour même du 22, les députés, errant dans les rues de Versailles pour chercher un lieu propre à leurs séances, allèrent enfin se rassembler à l'église de St-Louis; et, par un heureux hasard, ce lieu ajoutait à la majesté de la réunion. Les cent quarante-neuf membres de la majorité du clergé, parmi lesquels étaient plusieurs évêques, vinrent appôrter leurs pouvoirs à vérifier : deux membres de la noblesse du Dauphiné en firent autant. Cette journée, moins éclatante que celle du jeu de paume, fut aussi intéressante par les discours qui furent prononcés et par l'effet réek-qu’elle devait produire.

Enfin la séance royale arriva : elle eut tout l'appareil extérieur qui nagüère én imposait à la multitude : mais ce n’est pas un trône d'or et un superbe daïis, ni des hérauts-d’ar-