Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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mes, ni des panaches fiottans qui intimident des hommes libres. La cour ignorait encore cette vérité, qu’on retrouve pourtant dans toutes les histoires. La garde nombreuse qui entourait la salle n’effraya pas les députés; elle accrut au contraire leur courage. On répéta la faute qu’on avait faite le 5 mai, de leur affecter une porte séparée, et de les laisser exposés, dans le hangar qui la précédait, à une pluie assez violente, pendant que les autres ordres prenaient leurs places distinguées : enfin ils furent introduits.

Le discours et les déclarations du roi eurent pour objet de conserver la distinction des ordres, d’annuller les fameux arrêtés de la constitution des communes en assemblée natiomale, d'annoncer en trente-cinq articles les bienfaits que le roi accordait à ses peuples, et de déclarer à l’assemblée que, si elle l'abandonnait, il ferait le bien des peuplessans elle. D’ailleurs toutes les formes impératives furent employées, comme dans ces lits de justice où le roi venaitsemoncer le parlement, Dans ces bienfaits du roi, promis à la nation, il n’était parlé, ni de la constitution tant demandée, ni dela participation des états- généraux à la législation, ni de la responsabilité des ministres, ni de la liberté de la presse; et presque tout ce qui constitue la liberté civile et la liberté politique était oublié. Cependant les prétentions des ordres privilégiés étaient conservées , le despotisme du maître était consacré, et les étatsgénéraux abaïssés sous son pouvoir. Le prince ordonnaitet ne consultait pas; et tel fut l'aveuglement de ceux qui le conseillèrent, qu’ils lui firent gourmander les représentans de la nation, et casser leurs arrêtés comme si c’eût été une assemblée de notables. Enfin, et c'était le grand objet de cette séance royale, le roi ordonna aux députés de se séparer tout de suite, et de serendrele lendemain matin dansles chambres affectées à chaque ordre pour y reprendre leurs séances.

Il sortit. On vit s’écouler de leurs bancs tous ceux de la noblesse et une partie du clergé. Les députés des communes, immobiles et en silence sur leurs siéges, contenaient à peine l'indignation dont ils étaient remplis, en voyant la majesté de la nation si indignement outragée. Les ouvriers , commandés à cet effet, emportent à grand bruit ce trône, ces bancs, ces tabourets , appareil fastueux de la séance : mais , frappés de Vimmobilité des pères de la patrie, ils s’arrêtent et suspendent leur ouvrage. Les vils agens du despotisme courent annoncer au roi ce qu'ils appellent la désobéissance de l'assemblée. On envoie le grand-maître des cérémonies , qui , s’adressant au président : Vous connaissez, monsieur ; lui dit-il, les intentions du roi. Le président lui répond que les représentans du peuple ne reçoivent des ordres de personne; que du resteilva