Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 4i

velles de Versailles, et des périls qu’avaient courus leurs députés, et de leurs succès, et de leurs craintes sur l'avenir. La famine même s’y faisait craindre; le pain y était, ainsi qu'à Versailles, d’une mauvaise qualité. Au milieu de cette angoisse générale on y apprend que des troupes arrivent de partout, qu’elles environnent Paris et Versailles, et que, disposées autour de ces deux villes, elles les tiennent en quelque manière bloquées. Ce sont en particulier des troupes étrangères qui sont appelées; on fait avancer à grands frais du canon des frontières; on dispose tous les préparatifs d’un camp; et c’est le général le plus rénommé de France, le maréchal de Broglie, qui doit commander l’armée destinée à combattre ou plutôt à massacrer les Francais , s’ils osent faire résistance.

Paris, dépourvu de subsistances, se voyait à la veille d’être épuisé par la famine et subjugué par l'épée; les mouvemens inévitables pour l’exécution d’un si grand dessein accroissaient encore les alarmes. À Versailles des troupes allemandes , des hussards, des canonniers, semblent rassemblés pour dissiper les états-généraux ou pour repousser tous ceux qui oseraient en protéger l'enceinte. Enfin les conspirateurs, se croyantsûürs de leurs succès, s’en vantaient hautement; et ne doutant pas qu’une populace qu’ils méprisaient ne fût aisément écrasée par des officiers généraux et par une armée de cinquante mille hommes, ils laissaient transpirer que l’assemblée nationale allait être dissoute, et plusieurs députés rebelles livrés à la rigueur des lois.

À ces mouvemens et à ces bruits la capitale entière n’eut qu’un sentiment ; et ce n’était pas une populace ignorante et tumultueuse, c'était tout ce que cette ville célèbre renferme d'hommes éclairés ou braves, de tous les états et de toutes les conditions. Le danger commun avait tout réuni. Les femmes, qui, dans les mouvemens populaires, montrenttoujours le plus : d’audace, encourageaient les citoyens à la défense de . patrie. Ceux-ci, par un instinct que leur donnait le danger public et l’exaltation du patriotisme, demandent aux soldats qu'ils rencontrent s’ils auront le courage de massacrer leurs frères, leurs concitoyens, leurs parens, leurs amis. Les gardes-françaises les premiers, ces citoyens généreux, rebelles à leurs maîtres, selon le langage du despotisme, mais fidèles à la nation, jurent de ne tourner jamais leurs armes contre elle. Des militaires d’autres corps les imitent. On les comble de caresses et de présens. On voit ces soldats, qui avaient été amenés pour l'oppression de la capitale et par conséquent du royaume, se promener dans les rues en embrassant les citoyens: Ils arrivent en foule au Palais-royal,où tout le monde s’empresse de leur offrir des rafraïchissemens; et chacun

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