Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

4e ASSEMBLEE

emploie tous les moyens qu’il juge propres à détacher les soldats de l’obéissance arbitraire pour les réunir à la cause commune.On apprend cependant que quelques-uns d’eux vont être punis d’avoir refusé de tirer sur leurs concitoyens, que onze gardes-francaises sont détenus aux prisons de l'Abbaye , et vont être transférés à Bicêtre, prison des plus vils scélérats. Leur cause devient la cause publique. On court les délivrer; la foule grossit en marchant; on force les prisons; on entre, on les délivre ; et ils sont amenés en triomphe au Palais-royal, qui devient leur asile. Les hussards etles dragons, qui avaient recu ordre de charger les citoyens, posent les armeset se joignent à eux; et l’on entend par-tout les cris de vive la nation; car, depuis la constitution des communes en assemblée nationale, c'était le cri de la joie publique, et l’on ne disait plus vive Le tiers-état. Enfin l’on envoie une députation à l’assemblée nationale pour demander son intercession auprès du roi; et l’assemblée, en invitant les citoyens de Parisà rentrer dans l’ordre, recommande les soldats à la clémence du monarque. Ceux-ci se remirent en prison; le roi leur fitgrace, et tout parut calmé.

11 s’en fallait de beaucoup cependant que les esprits fussent tranquilles ; les préparatifs de destruction s’accroissaient chaque jour. L'assemblée nationale était instruite des alarmes des citoyens de Versailles et de Paris, et chaque membre recevait des avis particuliers qui inspiraient de justes terreurs. À tout moment les gardes-du-corps étaient à cheval; la garde suisse entourait le château ; des troupes allemandes étaient postées à cette partie du château de Versailles appelée l’'Orangerie, et l’on savait que les canonniers avaient eu ordre de se tenir prêts : on ignorait encore qu’ils avaient déclaré qu’ils ne tireraient ni sur l'assemblée ni sur les citoyens. On comptait aux environs de Paris les régimens de Royal-Cravatte, RoyalPologne, Helmstadt, les régimens suisses de Diesbach, Salissamade et Châteauvieux, les husssards de Bercheny, Esterhazy , Royal-Dragons ; les régimens de Provence et de Vintimille, ceux de Besancon et de la Fère. D’autres troupes étaient à portée de les renforcer. L'assemblée nationale ne pouvait garder le silence au moment encore où, malgré ses réclamations , l'entrée de ses tribunes était défendue aux citoyens , dans cette sale où les soldats n’auraient dû recevoir des ordres que de l'assemblée. Elle demanda donc au roi de retirer ses troupes, qui alarmaient les citoyens et qui gênaient la liberté des représentans de la nation. L'on inspira au monarque une réponse qui renfermait un refus assaisonné d’une espèce de raillerie cruelle. Il répondit que le rassemblement de ces troupes avait pour objet de maintenir la sûreté de Paris, et de protéger la liberté de l'assemblée; mais que si elle en