Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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rendrait inutile. Paris, Rennes, Dinan, s’élevèrent fortement contre le veto royal, qu’elles regardaient comme un moyen permanent de tyrannie. Mais l'assemblée ayant décidé que le veto du roi n'aurait lieu que pendant deux législatures, et qu'il ne serait que suspensif, tout le monde reconnut la sagesse de cette loi. Par un heureux accord avec ces principes, le roi lui-même avait refusé le veto absolu ou indéfini; et son avis se trouva être celui de l'assemblée. [ Tandis que les esprits s’échauffaient au dehors sur des discussions desquelles dépendait fa destinée de tous, l'assemblée nationale pensait à déterminer la permanence du corps-législatif et à discuter la fameuse question des deux chambres. Avant la convocation des états-généraux, les nombreux partisans de la constitution anglaise avaient arrêté leur opinion à cet égard : l'antique suffrage de Montesquieu , et le livre plus récent de Delolme, donnaientun grand poids à cette opinion. On admirait cet équilibre de trois pouvoirs qui se mesurent l’un l’autre , et empêchent qu'aucun des iris ne l'emporte. Mais les partisans de la chambre unique ne regardaient cet équilibre du gouvernement anglais que comme un traité de paix entre trois puissances alors existantes, à chacune desquelles on avait fait sa part ; et, sans nier que l'Angleterre ne s’en trouvât bien, ils ne croyaient pas que nous fussions dans les termes d’un pareil accommodement. D'ailleurs la personnalité se mélait dans ces discussions, et Nyles débats étaient des querelles. Le haut clergé aurait voulu deux chambres, dans l'espoir de tenir rang dans la haute. Une bonne partie de la noblesse inclinait pour les deux chambres : mais la question de la pairie se présentait à leur esprit, et dès-lors ils étaient divisés; car la noblesse de province entendait que l’ordre entier nommât librement ses représentans ; et la noblesse pensait secrètement que les dignités de la pairie devaient lui être dévolues : enfin un grand nombre de gentilshommes craignait que, par quelque mode imprévu, la haute chambre ne fût composée prinicipalementde ces quarante-sept de leur minorité qui s'étaient librement réunis à l'assemblée nationale. Ceux des curés qui n’étaient pas dévoués à leurs évêques penchaient pour l'unité de l’assemblée. La majorité des députés des communes ne voyait dans La chambre haute que le refuge constitutionnel de l'aristocratie et la conservation du système féodal : leur défiance était entretenue par la continuation de cette ligue qui a toujours existé depuis entre les ordres et la cour, et par les intrigues que l’on pratiquaït pour empêcher le roi de sanctionner les arrêtés du 4 août. Il résultait de ces incertitudes une espèce d’obscurité sur cette chambre haute, qui diminuait le nombre ou du moins lachaleur de

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