Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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ses partisans. Aucun ne voyait précisément ce qu’elle serait et ce qu’il serait : les calculs personnels entrent toujours dans ces combinaisons , et nulle politique n’en est exempte.

On ne voyait pas plus clair dans le système d’un sénat à vie composé de toutes les classes de citoyens , et qui serait trop facilement corrompu par la cour, ni dans celui d’un sénat à temps et tiré de la totalité de la chambre dont il ne serait Û par conséquent, qu’une fraction. Et à ceux qui objectaient qu’il n’y aurait point de frein pour une assemblée unique, que nul contre-poids n’arrêterait, on répondait qu'il y aurait assez de moyens pour l’arrêter par elle-même, en nécessitant la lenteur de ses délibérations ; qu’elle trouvait son contre-poids naturel dans le veto du roi, qui représentait la volonté négative de la nation, comme ses députés représentaient sa volonté afirmative ; que s’ils abusaient de leur pouvoir pour décréter des choses nuisibles à la nation, le roi se ferait un mérite auprès d’elle de la sauver de leur tyrannie ; que ces deux contrepoids étaient plus à l'avantage du peuple, quesi l'onen compo sait trois dont deux seraient naturellement contre lui. Enfin , l'assemblée décréta, à la majorité de neuf cent onze voix contre quatre-vingt-neuf, qu'il n’y aurait qu’une seule chambre, Elle décréta encore que le corps-législatif serait formé , tous les deux ans, par de nouvelles élections, et cette période de deux années fut nommée législature.

Le sens précis du mot sanction n’étaitpas encore déterminé, parce qu’une assemblée nombreuse, et sur-tout divisée, ne peut pas être astreinte aux méditations paisibles du cabinet; ce dont il ne faut pas conclure, avecles partisans du despotisme, que les lois doivent être l'ouvrage d’un seul. L'assemblée nationale avait ce désavantage terrible, et qui l’a long-temps contrariée, de constituer une monarchie en ayant déjà le monarque. Ilen résultait que ses ennemis, en profitant de son aveu, que nulle loi n’existesansla sanction du roi, concluaient du roi idéal qu'avait en vue l’assemblée au roi réel que l’on voulait lui opposer : d’où ils prétendaient encore que le roi pouvait arrêter les décrets journaliers de l’assemblée et par conséquent l'empêcher de faire la constitution. Ilsne voulaient pas voir que l'assemblée nationale ayant recu le pouvoir de constituer la monarchie avec certaines règles et de donner au monarque telle ou telle autorité, celui-ci ne pouvait opposer son autorité précédente à la volonté nationale; qu'il ne devait pas sanctionner la constitution, mais l’accepter; et que la loi sur la sanction ne regardait que l’état futur des choses, quand la constitution serait finie. La vérité était que le pouvoir du roi était suspendu dans le temps où les représentans du peuple faisaient une nouvelle constitution. Mais l'assemblée n’osa