Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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Go CONVENTION

Après ce mouvement d’indignation , il répondit d’un ton plus tranquille au député Bancal, qui lui cita les exemples d'obéissance et de résignation des plus fameux Grecs et Romains : Monsieur Bancal, nous nous méprenons toujours sur nos citations , et nous défigurons l’histoire des Romaïns en donnant pour excuse à nos crimes l'exemple de leurs vertus que nous dénaturons, Les Romains n'ont pas tué Tarquin : les Romains avaient une république bien réglée et de bonnes lois ; ils n'avaient ni club de jacobins ni tribunal révolutionnaire. Nous sommes dans un temps d’anarchie ; des tigres veulent ma téte, etje ne veux pas la leur donner. Je peux vousfaire cet aveu sans craindre que vous accusiez de faiblesse. Puisque vous puisez vos exemples chez les Romaïns, je vous déclare que j'ai joué le rôle de Décius , mais que je ne serai jamais Curtius , et je ne me jeterai jamais dans le gouffre.

Il devenaît difficile de persuader un homme qui avait un sentiment si juste du sort qui l’attendait à Paris, et de tous les torts par lesquels il Pavait provoqué. Get entretien finit par une interpellation vive de /Camus : Citoyen général, voulez-vous obéir au décret de la convention nationale , et vous rendre à Paris ? — Pas dans ce moment, reprit-il. — Æh bien, je vous déclare que je vous suspends de vos fonctions , vous n'étes plus général ; j'ordonne qu'on s'empare de vous. Dumouriez était entouré de plusieurs officiers de son état-major , qui, par leurs murmures, hâtaient la résolution qu'il préméditait. Il fait entrer des hussards , et leur commande en allemand de s'emparer des quatre députés. Il avait remarqué avec beaucoup d’émotion Beurnonville, qui avait été son ami, au nombre des commissaires chargés de le conduire à Paris. Il ne vit point comme une excuse à cette démarche la nécessité, le devoir même , qui l’y entraînaient. L’un et l’autre se regardèrent avec froideur et mépris durant ce long entretien. Beurnonville , qui avait à peine parlé jusqu'au moment où il entendit donner l’ordre d'arrêter ses collégues , demanda à Dumouriez, comme une faveur , de partager leur sort. N'en doutéz pas, répondit celni-ci; je vais aceomplir vos vœux. Il donna ordre de Parrêter , mais de lui laisser son épée. Les cinq prisonniers furent conduits à Tournay par un escadron de hussards , et livrés aux Autrichiens, qui leur firent subir , pendant trois années , toutes les rigueurs exercées dans leurs prisons d'état.

Quelque déplorable que füt un tel succès, Dumouriez en triompha ; il croyait avoir des otages qui lui répondraient . désormais de la sûreté des prisonniers du Temple. Vain