Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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C’était sans doute une pensée du désespoir, que la dictature proposée à Danton. Si la convention l’en eñtinvesti, un règne violent, cruel, souillé de mille opprobres, allait commencer; mais il n’eût pas, à beaucoup près, égalé tous les fléaux de la tyrannie à cent mille têtes qui fut établie par l'insurrection du lendemain.

Le 2 juin, tout annonce dans Paris qu’on va frapper le coup décisif. La commune persiste dansle plan audacieux de rendre complices de cet attentat qu’elle prépare ceux mêmes qui en ont le plus d'horreur. Toutes les sections marchefont encore. Cinq mille brigands suffiront pour remplir tous les desseins de la commune ; mais elle veut leur donner une escorte de quatrevingt mille hommes épouvantés; indécis, qui n’ont pas un ralliement, qui n’ont pas une volonté. Elle a confié le commandement de toute cette troupe à Henriot, homme ignorant et féroce , que la commune de Paris a aperçu, a distingué dans les massacres du 2 septembre. Le choix d'un tel agent indique assez qu’elle voulait de nouveaux assassinats; la montagne aimait mieux ordonner des proscriptions et des supplices.

A dix heures tout est prêt, tout s'ébranle. La convention se rassemble; on marche sur la convention. Les ordres les plus sévères ont été donnés pour qu'aucune section ne se mette en mouvement avant que les seules colonnes qui doivent porter les coups aient défilé. Les esprits ne semblaient plus frappés de la stupeur qui régnait au 31 mai. Quelques hommes osaient encore condamner ce nouveau mouvement. Des bataillons entiers s'étaient promis de mettre la convention à l'abri de toute atteinte. Ils étaient surveillés; on leur faisait faire de longs circuits; on les plaçaitsi loin dela convention , qu'ilsignoraient tout ce qui se passait autour de son enceinte. Des femmes, d’ardentes furies, venaient quelquefois les insulter; ou bien, feignant d'être effrayées, elles les conjuraient de ne point allumer la guerre civile. Bientôt le bruit qui courait dans les rangs était : Point de guerre civile !

Les amis des girondins les avaient conjurés de ne point assister à cette séance fatale. Quelques-uns même des fauteurs de l'insurrection, soit pitié, soit-perfidie, leur offraient des asiles, des moyens de fuite. Quelque parti que prissent les girondins, il pouvait être redoutable à leurs adversaires, s’il eût été unanime ; il fallait ou braver ensemble l'orage, ou s’y soustraire en inême temps. Mais chacun d’eux raisonna séparé ment sur le danger, sur la retraite ou la vengeance. Quelquesuns embrassèrent la résolution magnanime de paraître encore une fois devant les factieux, et d'appeler leur châtiment au milieu de leurs poignards. Après ce qu’on a vu de Lanjuinais dans le cours de cette histoire, je n’ai pas besoin de dire que