Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

NATIONALE. 15

son enthousiasme s'était d’abord égaré de la manière la plus déplorable, En arrivant à Paris, c'était Marat, c’était Danton qu’il avait choisis pour ses guides; mais bientôt ils’en éloigna, et devint pour eux un ennemi d'autant plus à craindre, qu'il avait recu l’aveu de leurs complots. Les marseillais lui furent encore quelque temps fidèles.

On les vit un jour se répandre dans Paris, à la suite d’un banquet où les girondins les avaient réunis. On entend de loin leurs clameurs, leurs chants féroces; ils demandent du sang. On fuit, on se cache. Mais quel étonnement! c’est la tête de Marat, de Robespierre et de Danton qu’ils proscrivent. Cependant le peuple ne vient point grossir leur cortége, Ceux mêmes qui désirent plus ardemment qu’eux le supplice de césodieux iriumvirs n’osent se mêler dans leurs rangs, Peut-être est-ce un piége tendu à leur crédulité. Vraisemblablement les marscillais n’avaient recu pour instruction que de s’en tenir à la menace ; ils se lassèrent bientôt de la répéter. Le silence du peuple leur causa de la confusion. Ils revinrent ensuite à leurs premiers penchans avec tant de fureur, que les girondins n’eurent plus d’autre soin que d’éloigner ces prétendus auxiliaires.

Le conseil exécutifavait été investi de presque toutes les faibles prérogatives de la royauté constitutionnelle; mais cette autorité, malgréson titre imposant, avait moins de pouvoir réel que la commune de Paris. Des ministres sanschefse divisèrent en deux partis, comme la convention même. Nous avons déjà vu avec quel courage Roland se déclara contre les assassins du 2 septembre, au moment où rien ne défendait sa tête de leurs coups. Il continua son dévouement avec la même intrépidité. ] était délivré d’un rival redoutable, Danton. Il s’en donna lui-même un plus perfide et plus cruel, Pache. Ce fut Mme Roland qui fit à ses amis et à la France ce fatal présent. Abusée par le plus profond des hypocrites, elle l’indiquaà son mari pour remplacer Servan , qui quittait volontairement le ministère de la guerre. Roland/l’annonca comme un homme dont il fallait dérober les grands-talens et les grandes vertus à l’obscurité, dont sa modestie lui faisait une loi. Pache futnommé. On ne vit jamais-une telle noirceur, ni-une telle précipitation dans lingratitude. En peu de jours, toutes les pensées de Pache se tournèrent vers la chute et le supplice de ses protecteurs: c'était Jui qui alimentait le feu des dénonciations contre Roland, contre sa femme. Tandis que celui-ci poursuivait les assassins du 2 septembre, celui-là appelait autour de lui des hommes qui avaient inspiré, ou dirigé ces crimes. IL commença à réaliser V'une des plus ridicules espérances que la multitude s’était formées des suites dela révolution. Il effaça toute espèce dedistinction de mérite, d’habileté ou de probité, pour l'admission dans