Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

NATIONALE. 15

Leur mauvaise humeur, après cette scène humiliante , se tourna contre celui qui l'avait provoquée. Ils l’accusèrent de s'être entendu avec Mme Roland pour lui ménager un moyen de paraître avec éclat devant la convention, et le firent arréter. Ils se conduisirent toujours ainsi, appelant tous les crimes, mais punissant la maladresse, et même le mauvais succès.

Mme Roland dédaignait un peu trop les qualités communes à son sexe : elle avait plutôt de la force et de la constance que de la finesse ; elle témoignait son mépris avec franchise. On peut lui reprocher d’avoir été, ainsi que tous ses amis, esclave de diverses superstitions républicaines ou, pour mieux dire, révolutionnaires.Roland, dans son administration, d’ailleurs pleine de droiture et d'intelligence, fit quelques actes de rigueur et de dureté , et d’autres d’une fatale imprudence. En général, la haîne des girondins contre les royalistes était sans modération , et la même que celle des jacobins, aux massacres près. En voici un exemple:

On parla de faire une loi complète contre les émigrés. Leur projet d’invasion, exécuté sous les auspices du roi de Prusse avec un si mauvais succès, avait excité contre eux l'horreur du peuple.—Aujourd'hui les puissances les abandonnaient à leur mauvaise fortune, et y ajoutaient encore mille vexations et mille opprobres. Dansleur patrie, tout se réunissait contre eux. Les deux assemblées précédentes avaient dévoré la plus grande partie des biens du clergé; la masse des assignats surpassait un gage qui décroissaitchaque jour:tant de convulsionsintérieures en précipitaient le discrédit. Le principe des finances était alors que, pour exister, il fallait confisquer. Les contributions étaient insuffisantes pour la dépense d’une guerre soutenue con tre toute l’Europe; d’ailleurs la convention n’osait les lever avec rigueur sur les fortunes médiocres; on en faisait seulement le châtiment des riches. Les biens des émigrés offraient une proie qu'on égalait déjà, dans la pensée, aux biens du clergé. Mais il était plus aisé de comdamner les émigrés que de les définir; on ne pouvait se rapprocher de la justice qu’à force d’exceptions. Une perspective de trois milliards rendait impitoyables les financiers de la convention.

L'usage était de faire précéder toutes les lois importantes ar une formule qu’on appelait décréter en principe. Ce fut uzot qui proposa celui de la proscription des émigrés. Danton,

qui regardait toutes les mesures révolutionnaires comme son. partage, fut étonné de ne pouvoir aller plus loin que Buzot, et de leur accord résulta le décret qui porte que la peine prononcée contre les émigrés est Le bannissement à perpétuité, et, S'ils l'enfreignent, la mort. Tous leurs biens seront COnfISQUES «

Ainsi la convention voulait bien ne punir du supplice que