Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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ceux qui tomberaient entre ses mains. Ces premières lignes de la jurisprudence révolutionnairefqui concernait les émigrés, furent développées pendant cinq ou six mois. Chaque fois qu’il s'était élevé un violent orage dans l’assemblée, des oraieurs pacifiques l’invitaient à sacrifier ces haînes particulières au

bien commun, et on s’oceupait de la loi des émigrés ; alors régnait une concorde momentanée entre les deux partis : cependant il est vrai de dire que plusieurs députés réclämèrent avec assez de constance en faveur de différentes classes d’absens. Personne ne le fit d’une manière.plus franche et plus inattendue que Tallien.Ge moment semble le rapprocher du 9 thermidor , dont il était encore si loin.« Je pense, dit-il, qu'ona » fermétropfacilementladiscussion. Sousle mot d’émigrésvous » comprendriez des femmes, des enfans, des vieillards, qui ont » été forcés par leurs parens de quitter la France. Le mot d’é» Mmigrés ne peut donc trouver place dans cette loi; car ce sont » les Francais fugitifs et rebelles, armés contre leur patrie, » que vous voulez punir, et non pas les simplesémigrés : vous » serez forcés d'établir un jour cette distinction. Je demande » qu'on remplace le mot d'émigrés par ceux-ci : Les Français » rebelles et fugitifs. » 1

On juge bien que de violens murmures étouffèrent cette réclamation. Quelques faibles exceptions furent emportées comme par surprise.

Si les girondins s’opposèrent faiblement, et s’ils congurent quelquefois des mesures si arbitraires, du moins ils ne perdirent pas de vue les chefs des jacobins ; ils renouvelaient à chaque instant leurs attaques. Le plus ardent de leurs souhaits était de renverser Robespierre. Ce n’était qu'un des scélérats qui menaçaient la France d’un règne de destruction, mais il en était le plus redoutable. Nul n'avait une tendance plus directe à concentrer entre ses mains toutes les forces de la tyrannie; son ascendant était d'autant plus assuré, qu’on ne pouvait aisément comprendre sur quoi il était fondé : c'était un homme d’une seule pensée, d’une seule passion, d’une seule volonté; son ame ténébreuse ne se découvrait jamais à ses complices mêmes; aussi insensible aux plaisirs qu'aux affections qui se glissent dans le cœur des hommes, mêmeles plus pervers, rien ne pouvait le distraire de sa poursuite obstinée : invariable dans son hypocrisie, c'était toujours au nom de la vertu qu’il appelait la sédition ou provoquaït un massacre. Son flegme lui conservait quelque dignité dans son rôle populaire. Au milieu de quelques orages politiques ou religieux que cet homme füt né, il eût été un chef de secte ou de parti puissant, atroce, et Suivi par le peuple. :

Dans une séance de la convention, Robespierre, importuné