Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

15 CONVÉ à contre lui, il demanda un délai it jours pour répondre.

C'était obtenir en même temps et son absolution et le pouvoir de vie et de mort sur ses faibles adversaires.

Huit jours étaient bien au-delà de ce qui suffisait aux jacobins pour frapper l'assemblée d’autres craintes. Abandonner Robespierre parut, même à ses ennemis secrets, une lâcheté qui les perdait eux-mêmes. Le délai expiré, 1l se présenta avec tout l’orgueil d’un triomphe assuré. De tous les discours qu’il rononça , aucun ne retrace mieux tout ce qu'une haîne énergique peutajouter à un médiocre talent; il usa, avec beaucoup d'adresse, de toute la supériorité que sa position lui donnait sur ses adversaires ; l'ironie qu’il employa contre eux était féroce, et pourtant elle trompa Pbe qui voulut bien la prendre pour de la modération. Il fut écouté, moins avec l'attention qu’on prête à un accusé, qu'avec leffroi qu'inspire un maître farouche. Lesmurmures n’étouffèrent point sa voix, même lorsqu’il prononcça lapologie suivante du 2 septembre :

« On assure qu’un innocent a péri. On s’est plu à en exagérer » le nombre; mais un seul, c’est beaucoup trop sans doute. » Citoyens, pleurez cette méprise cruelle, nous l'avons pleu» rée dès long-temps. C'était un bon citoyen ; c'était donc l’un » de nos amis. Pleurez même les victimes coupables, réservées » à la vengeance des lois, qui ont tombé sous le glaive de la » justice populaire ;mais que votre douleuraitunterme,comme » toutes les choses humaines.

» Gardons quelques larmes pour des calamités plus touchan» tes. Pleurez cent mille patriotes immolés par la tyrannie; » pleurez nos citoyens massacrés au berceau, ou dans les bras » de leurs mères. N’avez-vous pasaussi des frères, des enfans, » des épouses à venger? La famille des législateurs français, » c’est la patrie, c’est le genre humain tout entier, moins les » tyrans et leurs complices. Pleurez donc, pleurez l'humanité » abattue sous leur joug odieux; mais consolez-vous, si, im» posant silence à toutes les viles passions, vous voulez assu» rer le bonheur de votre pays et préparer celui du monde. »

A peine avait-il fini de parler, que la montagne et les tribunes commandèrent avec fracas son absolution à l’assemblée. Lanjuinais et Barbaroux s’efforcèrent de ramener leurs collégues à l'indignation dont ils étaient saisis huit jours auparavant; ils ne purent obtenir même dese faire entendre. Barère trouva plus de faveur ; ilimagina de donner à la Acheté de l'assemblée, et à la sienne même, un air de dignité. Les faits avancés par Louvet lui parurent ou trop peu importans, ou trop pet prouvés pour nécessiter un décret d'accusation. Quant à l’ostracisme, était, selon lui, profaner une telle institution que d’en faire le premier essaisur Robespierre. « Gessons, disait-il,