Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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passât toutes les autres, et que son châtiment fût plus cruel et plus ignominieux.

Les débats que je viens de retracer suffisent pour donner quelque image des passions terribles qui déchiraient ceite malheureuse assemblée. Rien ne peut peindre ce tumulte journaLier ; les plus petits objets, comme les plus importans, étaient discutés avec fureur : souventon se mêlait, on se préssait corps à corps; il est inconcevable que des poignards n'aient pas quelquefois paru dans les mains de ces hommes acharnés. La plupart de ces débats resteront ensevelis dans leurs volumineuses et redoutables archives. C’est à la vengeance à y rechercher ses funestes souvenirs, à lamisanthropie à y rechercher ses tristes observations; leur monotone horreur les rejette de l’histoire. chaque fois qu’ils ne sont pas nécessaires pour l’éclairer. Qu'y trouve-t-on en effet? des tyrans qu'il faut mépriser, même en les détestant , une monstrueuse extravagance de principes; un langage abject et corrompu, qu'on est humilié de pouvoir encore comprendre; des orateurs sans imagination, multipliant les images incohérentes, et contraints, par indigence à les répéter toujours; des stratagèmes de parti, puissans sur une assemblée épouvantée, mais si grossiers, qu’on ne les adresserait aujourd’hui qu'aux hommes les plus stupides; une profession d’athéisme écoutée et applaudie; des maximes et des lois qui en sont le commentaire; et enfin le tableau désespérant d’une assemblée flottant entre deux partis, et attendant quel sera le vainqueur, sans oser le faire.

À la vérité, ces mêmes débats rappellent quelques discours de Verguiaud, dont l’éloquence s’est accrue depuis qu’elle est dirigée contre des factieux; des apostrophes véhémentes de Guadet, et les efforts courageux de Barbaroux, Salles, Kersaint Henri Larivière, Lanjuinais, Fermont, Rabaut-St-Etienne, toujours capables de la même indignation, dans ces temps où tout semblait l’épuiser. Au reste, ces combats n'étaient qu’un prélude à la grande question qui allait être décidée; le jugement de Louis XVI. Dès que Ia convention fut sommée par les jacobins de s’en occuper , tout autre intérêt disparut devant celui-là ; leur règne de sang ne pouvait plus se cimenter que par la mort de ce monarque.—Je touche à cette triste et difficile partie de notre histoire.—Mais il faut auparavant que je trace la situation de la France au-dehors, et les premiers succès de ses armes contre les rois de l'Europe.

Le roi de Prusse fuyait ; celui de Sardaigne était déjà dépouillé d’une partie deses états, Rien ne fut plus rapide que expédition dirigée contre la Savoie; elle avait été confiée au général Montesquiou , homme d'esprit et de talent, jadis puissant à la cour, attaché à Monsieur, frère du roi, et son conseil.