Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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ler le plus intime : depuis, ami d’une révolution à laquelle il faisait les plus pénibles sacrifices. Il s'était distingué dans l’assemblée constituante par un esprit judicieux et précis, et par beaucoup d’habileté dans ce qui regardait l'administration. Je ne sais si l'ambition lui fit désirer le commandement de l’armée du Midi ; la crainte, peut-être, le lui fit conserver. Lorsque le ro août se préparait, il avait tenté une intercession pour le roi auprès des girondins, encore maîtres de son sort. Ceux-ci, en repoussant ses efforts , les lui avaient pardonnés; mais les jacobins les avaient connus ou soupconnés. Son asile était donc l'emploi de général ; le gage de son pardon, une conquête. Son armée était peu nombreuse, fort agitée des passions populaires, ennemie de toute discipline. Le roi de Sardaigne, prince dévot, prodigue, et sur-tout insouciant, avait vu sans alarmes, ou du moins sans précautions, une armée francaise se rassembler autour de la Savoie, Tout l’exposait au courroux de la nouvelle république : il n'avait pu refuser un asile aux princes fugitifs, ses gendres ; on ne doutait point qu’il n’eût accédé secrètement à la ligue des rois. Cependant la Savoie n’était gardée que par un petit nombre de troupes piémontaises, qui, à toute l’indiscipline et l’inexpérience des nôtres joignaient une insigne lâcheté. Montesquiou, en entrant dans la Savoie , n’eut d'autre embarras que de trouver les ennemis qu’il croyait avoir à combattre. Ils abandonnaïent des forts mémorables par de longs siéges, dès qu’ils avient cru entendre le bruit du canon dans le lointain. Dans leur fuite, ils descendaient précipitamment les montagnes; leur artillerie , leus magasins, tout était livré au vainqueur, qui, en trois jours, arriva à Chambéry. On ne pouvait concevoir en Europe ce qu’étaient devenues ces troupes piémontaises qui avaient acquis de la gloire militaire au commencement de ce siècle.

Le général Anselme entra dans Nice avec la même facilité. Cette conquête avait plus de prix aux yeux des soidats que l’indigente Savoie: plusieurs d’entre eux commirent des actes de brigandage qui eussent déshonoré même la victoire ; mais il n’y avait pas eu de combat. De tels succès causèrent un vif enthousiasme dans la convention ; elle mit autant de promptitude à prendre une possession définitive de ces conquêtes que ces généraux à les faire ; elles furent réunies à la France, sous le nom des départemens du Mont-Blanc et des Alpes-Maritimes. La nouvelle de cette expédition arriva fort à propos pour le général Montesquiou : la veille, un décret d'accusation avait été rendu contre lui ; le premier mouvement de la joie fit révoquer ce décret.

Il semblait que l'occupation de la Savoie dût tourner les regards vers l'Italie; mais on était si éloigné des moyens d’es