À la recherche de la fortune du duc d'Orléans (1793-1794) : lettres inédites du général Montesquiou à Francis d'Ivernois

10 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

de M. le Duc et de Mme la Duchesse d'Orléans, et il ne peut aujourd’hui être question que du douaire, qui n’est qu'une créance de la succession plus privilégiée, mais de même genre que toutes les autres.

Quant aux frères de M. le Duc d'Orléans actuel, personne plus que lui ne reconnait leurs droits, et en travaillant pour lui-même il pense bien travailler pour eux. Moins malheureux dans son malheur que ne le sont ses deux jeunes frères, puisqu'il jouit de la liberté dont ils sont privés, puisqu'ils sont entre les mains des bourreaux de sa famille, et qu’il n’y est pas; c’est lui, lui seul, comme leur aîné, comme leur unique représentant, qui peut transiger en leur nom comme au sien. Il n’a pas, il est vrai, de procuration d’eux, mais comment du fond des cachots auraient-ils pu la donner? Pourrait-on opposer les lois à ceux pour qui l’on n'observe aucune loi? Un assassinat juridique a mis M. le Duc d'Orléans actuel au lieu et place de son père; la violence et l'injustice l’ont mis au lieu et place de ses frères. Il est leur aîné, leur défenseur naturel; des circonstances inouïes le créent leur tuteur; et c'est à ces titres divers, qui ne peuvent être méconnus par des hommes justes lorsqu'ils seront présentés par un organe estimable, que M. le Duc d'Orléans s'adresse aux dépositaires de l'autorité publique en Angleterre, et aux organes des lois, pour toutes les réclamations qu’il a droit de faire. Ainsi, loin de supposer que des Ministres aussi considérés que le sont les Ministres anglais veuillent poursuivre sur d’innocents enfants les torts réels ou apparents de la vie politique de leur père, ces enfants attendent au contraire d'eux secours et protection, car cette vie dont l'Europe indignée leur a fait peut-être jusqu'à présent un crime, est pour eux un malheur de plus, et peut-être le plus grand de ceux qui les accablent ; et jamais un préjugé n'empéchera des hommes justes et bons de rendre justice à l'innocence, et d'être compatissants au malheur.