Étude sur les idées politiques de Mirabeau

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cherché par la cour était manque, et il contribua de la sorte à la fusion des ordres privilégiés avec les communes. Ce succès échauffa les esprits, et Mirabeau, soit qu’il craignît encore la dispersion de l’Assemblée !, soit qu’il cherchât à se faire redouter de la cour, garda sa position de chef révolutionnaire. Il se mit alors à frayer avec le parti orléaniste qui aspirait à investir son chef tout au moins de la lieutenance générale du royaume*. A la tribune il porta des coups redoublés aux différents ministres?. Enfin, au grand moment de la fermentation parisienne, il exigea du roi le renvoi des troupes de Versailles qui cependant menaçaient moins l’Assemblée qu’elles ne protégeaient la cour‘. Quand la prise de la Bastille eut consacré le triomphe définitif du peuple, Mirabeau, loin de se calmer, garda encore, pendant quelques jours, la même violence de ton dans son journal et dans ses discours, soit au club, soit à l’Assemblée.

Mais, à la fin de juillet, comme la réaction n’est plus à craindre, Mirabeau revient à une conduite modérée qu’il observera dès lors presque avec constance. Désormais il a dépouillé le démagogue. Par ses adresses à la nation, par ses discours à la tribune, il s’ef-

par nos historiens. Mirabeau n’a pas dit à Brezé : « Allez dire à votre maître, » etc. C'eût été le langage d’un factieux. Mirabeau ne l'était pas. M. V. Hugo, faisant allusion à l’appellation que l’on donna plus tard au roi : « Louis Capet, dit-il, c'est la royauté frappée au visage; votre maitre, c'est la royauté frappée au cœur. » (Littérature et philosophie mélées, p. 369.) Mirabeau n’a pas cette prétention.

1. Motion de Mirabeau pour la sauvegarde des députés. Archives nationales (Parlementaires. Constituante). C. Z 1185 bis, Dumont, p. 88 et 113.

2. Ces rapports continuèrent de juillet à octobre, au dire de Ferrières (v. I, p. 79, 135, 174, 204, 237, 247), de Dumont (p. 167-170), de La Fayette (v. I, p- 36-et 361, v. IV, p. 45), de Mounier et d’autres députés (Moniteur, Procédure du Châtelet sur les journées d'octobre), v. I, de Droz (v. II, livre IX), de M. H. Martin (v. 1, p. 59). Ils sont niés par La Marck, v. I, p. 88, 111-112, et par M. Thiers, v. IL, p. 179.

3. Mon. Disc. du 24 juin et des 6, 8 et 15 juillet. Archives parlementaires, p. 207 et suiv.

4. Adresse pour le renvoi des troupes. Archives nationales. C. 2 1. 15. Cote 224. E. 11,1101. Mon. Disc. des 8, 15 et 16 juillet. Lettres à mes commettanis, n° 18, p. 4, 5 et 7. Dumont, p. 105. La Fayette, v. Il, p. 36.

5. Mon. Disc. du 31 juillet. Arch. parl., p. 311. Lettres à mes commettants, n° 19, p. 56 et 59. Ferrières, v. I, p. 173. Martin, v. I, p. 68. Reynald, p. 178. Ce fut à ce moment que Mirabeau perdit son père. MM. Droz, Montigny et Reynald prétendent que cette mort l'empêcha de se rendre à Paris, après le 14 juillet, et de se faire nommer maire de la capitale. Mais il n’était pas alors aussi populaire que l'intègre Bailly qui lui aurait été en tout cas préféré,