Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 97

gnait lui-même de se trouver réduit, avant d’avoir rien fait, à chercher un refuge en Amérique.

Toutefois il ne désespérait pas de se réconcilier avec le gouvernement. À la fin de mai, le député Malouet consentit, sur l’invitation de Dumont et de Du Roveray, à conduire Mirabeau auprès de Necker. Mais, dans l’entrevue que le directeur des finances accorda au nouveau tribun du peuple, il ne lui témoigna aucune confiance, et Mirabeau, irrité de ce dédain, sortit du ministère en disant à Malouet : « Votre homme est un sot et il aura de mes nouvelles?. » Il tint parole et prit à tâche de renverser le cabinet avec l’aide des députés, Changeant alors de tactique, il les pressa d'agir et de se constituer en Assemblée officielle. Mais, sa motion ne spécifiant point que les privilégiés dussent se confondre avec eux, ses collègues la rejetèrent. Ils se défiaient de lui. Mirabeau le sentit et les jugea aussi sévèrement que les ministres. « Il est certain, remarquait-il, que la nation n’est pasmüre. L’excessive impéritie, l’épouvantable désordre du gouvernement ont mis en serre chaude la Révolution ; elle a devancé notre aptitude et notre instruction ?. »

Souflrant de son isolement, il sembla d’abord se désintéresser des affaires et, se bornant à suivre l'impulsion d'autrui, il laissa l'initiative du Serment du Jeu de Paume à son collègue Bailly. Mais la séance royale du 23 juin, où la cour faisait mine d’étouffer dans le germe l’éclosion des réformes, vint fouetter le sang du député provençal et sa célèbre apostrophe à M. de Dreux-Brezé lui rendit la direction du parti populaire{. Grâce à lui, l'effet

1. Moniteur. Discours des 6, 7, 13, 18, 23, 27 et 28 mai 1789. Lettres à mes commellantis, n° 1, p. 21, n° 4, p. 18, n° 6, p. 7, n° 8. Leltres à Mauvillon, p. 467.

2. Malouet, v. I, p. 311-316, v. 11, p. 474. Corr. Mirabeau-La Marck, y. in p. 311, 342 et 346. Lévis, p. 213. Dumont raconte l’entrevue, mais en commettant quelques erreurs (p. 53 et 153).

3. Mon. Disc. des 15 et 16 juin 1789. Lettres à Mauvillon, p. 467, 469 et 472. Dumont, p. 75 et 83. H. Martin, v. I, P: 37.

4. Voici le texte de la réponse de Mirabeau, tel que le donne le Moniteur, v. IL, p.48, col. 1 : « Oui, Monsieur, nous avons entendu les intentions qu'on a suggérées au Roi; el vous, qui ne sauriez être son organe auprès des états généraux, vous, qui n'avez ici ni place, ni droit de parler, vous n'êtes pas fait pour nous rappeler son discours. Cependant, pour éviter loute équivoque et tout délai, je déclare que, si l’on vous à chargé de nous faire sortir, vous devez demander des ordres pour employer la force; car nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonneltes. » Ce texte n'a pas été rapporté fidèlement