Étude sur les idées politiques de Mirabeau
LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 9
de Robespierre : « Il ira loin ; il croit tout ce qu'il dit‘. » Ses conseils à la cour dénotent une admirable sagacité politique. Voilà le trait le plus saillant de son intelligence. On l’a moins remarqué cependant que son imagination oratoire à laquelle il doit sa célébrité. .
Sainte-Beuve trouve le souffle poétique rare chez Mirabeau, mais présent parfois dans ses lettres de Vincennes ?. Il s'y exprime en effet avec une éloquence passionnée, mais par trop boursouflée. L’enflure est le grand défaut du style de Mirabeau : un défaut de jeunesse d’ailleurs, et aussi un défaut d’orateur. Dans ses premiers écrits, la phrase est lourde, l'expression exagérée. Son goût littéraire est suspect ; on s'en aperçoit jusque dans ses meilleurs discours. Mais, de même que ses idées politiques paraissent au début inspirées par une violence toute révolutionnaire, puis se transforment et se calment quand il s’agit de les appliquer, de même, avec le temps, l'expression, chez lui, devient plus juste, le style plus correct. Quand il doit parler aux représentants de toute la France, à l’Assemblée, il s’est déjà corrigé de ses défauts. Alors on admire également la raison qu’il renferme dans ses pensées et la verve avec laquelle il les exprime. Il a l’audace et la force#, mais il sait, quand il le faut, parler avec calme et dignité, d’une voix pleine et flexible qui domine la foule5. Il ne gardait pourtant pas toujours cette modération : souvent le vieux levain révolutionnaire se faisait jour ; alors Mirabeau tombait dans des excès de parole. Aussi, pour apprécier ses opinions, est-il indispensable de comprendre son genre d’éloquence. « Il avait dans son langage des violences de tribun et l’emportement des grands orateurs ; plusieurs personnes s’ÿ sont trompées ; de la véhémence des mots on à conclu à l’exagération des idées, cé qui est une grande erreur ; erreur d'autant plus fâcheuse qu’on a pu, en songeant aux derniers actes politiques de Mirabeau, en tirer contre lui un crime de trahison. »
Mais comment sa fougue, son activité incessante lui laissaientelles le temps de préparer ses discours ? Un esprit, si supérieur
1. Martin, Histoire de la Révolution, v. I, p. 92.
2. Lundis (14 avril 1851), p. 29.
3. Dumont, p. 290. Cf. les critiques de Rivarol, Mém., p. 319, et de V. Hugo, Mélanges, p. 375.
4. Dumont, p. 275.
9. Dumont, p. 156, 265, 278 et 280.
6. Reynald, Mirabeau et la Constituante, p. 145.