Étude sur les idées politiques de Mirabeau

8 F. DECRUE.

ne serai plus, disait-il, on saura ce que je valaist. » Il est humain et patriote? ; dans les jours les plus sombres de la Révolution, il ne désespère jamais de l'avenir de la France. Il aime par dessus tout son pays et s’il a une vaste ambition, c’est de le servir, de lui recouvrer les droits et de lui rendre en même temps le repos et le bonheur.

Il mettait au service de ces nobles sentiments une activité prodigieuse qui faisait l’étonnement de son siècle. Son esprit s'ouvrait à tout. Dès son enfance, il pérorait toujours, questionnait sans cesse et lisait avec avidité 5; sa mémoire était immense. Sa correspondance de Vincennes témoigne de la multiplicité de ses goûts. La littérature le passionne en premier lieu : sa bibliothèque se compose, d’une part, des œuvres légères de Tibulle et de La Fontaine, d'autre part, des Histoires de Tacite, des tragédies de Voltaire et de l' Émile de Rousseau. Mais l'anatomie, les mathématiques, la musique l’intéressent aussi; de même la philosophie, les langues, l’éloquence enfin. Il n’est pas de sujet qu'il ne pretende traiter, pas de question qu’il ne se fasse fort de résoudre, soit dans ses écrits, soit à la tribune publique. La confiance qu'il avait en lui était illimitées.

Il avait beaucoup lu et beaucoup vu et toujours avec une grande finesse d'observation. « Il n’y a personne à qui l’expérience ait autant profité’. » Il avait acquis une singulière connaissance des hommes. Nous en avons la preuve dans les jugements qu'il porte sur l’Assemblée nationale et sur ses contemporains en général. La critique qu'il fait de la Constituante est en somme peu flatteuse®. Il se plaisait à faire des mots sur ses collègues. . Quelques-uns ont l'importance d’une prédiction. Il disait de Barnave : « C'est un grand arbre qui deviendra un mât de vaisseau, »

1. Dumont, p. 267.

2. Sainte-Beuve, Lundis (14 avril 1851), p. 31. Saint-Marc-Girardin, Revue des Deux-Mondes, v. XII, p. 7. .

3. Dumont, p. 291,

4, Dumont, p. 7 et 311. La Marck, v. I, p. 170.

5. Lettre du marquis de Mirabeau à la comtesse de Rochefort, du 21 septembre 1758, dans Lucas Montigny.

6. Dumont, p. 274.

7. Dumont, 284. Cf. ibid., p. 293.

8. Ibid., p. 291 et 294.

9. Tbid., p. 146. Cf. Taine, l'Ancien Régime, v. I, p. 148.

10. Lousteauneau, Étude sur Barnave, Paris, 1878, br., p. 35.