Étude sur les idées politiques de Mirabeau
410 F, DECRUE.
Necker quitta le pouvoir et, le 19 novembre, un nouveau ministère fut formé, bien inférieur à l’ancien, le ministère du Port du Tertre et du Portail. Le roi avait suivi ses conseils. Il avait appelé au pouvoir dés Jacobins. « Des Jacobins ministres, lui avait dit Mirabeau, ne seront jamais des ministres Jacobins'. »
Toujours jaloux de garder son influence à l’Assemblée, il continuait à proposer des mesures populaires. Il exigea notamment que, sur la flotte, le drapeau tricolore fût aussi substitué au drapeau blanc. « La cocarde tricolore fera le tour de l’Europe, » disait-il. Il l’entendait au figuré : sa prédiction s’accomplit au propre?. Sa nature emportée le jeta aussi dans plus d’une contradiction. A la suite d’un duel où le duc de Castries avait blessé le comte de La Meth, le peuple avait été saccager l'hôtel de Castries. Malouet veut flétrir cet acte de vandalisme et monte à la tribune. Il s’y rencontre avec Mirabeau qui, disposé à parler dans le même sens que lui, le prie de lui céder la parole. Il détestait en effet les La Meth. Malouet comprend le parti que l’on peut tirer, dans cette affaire, de la popularité du tribun et lui quitte la place. À peine Mirabeau occupe-t-il la tribune que, usant d’une précaution oratoire, il débute par l'éloge du peuple. La droite se méprend sur cette caplatio benevolentiae ; elle s’indigne, elle s’emporte et insulte l’orateur. Celui-ci, exaspéré par ces violentes interruptions, persiste dans son panégyrique démocratique ; il pousse sa pointe, se lance dans une charge à fond de tram contre la réaction et aboutit, sans s’en douter, à une conclusion toute différente de celle à laquelle il voulait arrivers. Il lui fut ensuite bien difficile d'expliquer sa conduite à la cour. Mais il la blessa encore plus en prenant une position avancée dans le débat sur la constitution civile du clergé. Sa popularité n’en était que plus grande. Comme il avait été assister à la représentation de Brutus aux Français, la salle lui fit une ovation enthousiaste (17 novembre). Pour répondre aux reproches de la cour, il
1. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 229, v. II, p. 181, 223-233, 237, 253256, 259-266, 270-271, 272-274. Leitres à Mauvillon, p. 528.
2. Mon. du 21 octobre. Cf. aussi son attaque contre Peretti et son éloge du serment du Jeu de Paume. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p.213, v. I, p. 248, 251-252. Ferrières, v. IL, p. 228. Plan, p. 98.
3. Mon. Disc. du 26 novembre 1790. Cf. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p- 216-217, v. I, p. 317, 331-333, 336, 341, Malouet, v. IL, p. 4.
4. Corr. Mirabeau-La Marck, v, II, p. 342-347, 360-362, v. IIL, p. 397. Plan, p. 106.