Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 11

unique de ses discours!. Il y avait en premier lieu une impossibilité matérielle : consacrant ses jours aux débats parlementaires et ses veilles aux plaisirs, il ne se réservait que peu de temps pour composer seul?. D'ailleurs il n’eut jamais cette habitude : « Mirabeau, remarque Sainte-Beuve, avait pris de bonne heure et d'instinct, j'ai presque dit cette méthode de copier les autresou de se copier lui-même, de se compiler à l'avance des provisions de pensées et de tirades dont il usait sans scrupule, selon l’occurrence, jusqu’à en faire double et triple emploi. » Ce n’est pas la méthode d’un écrivain : c’est celle d’un orateur « qui, ayant à parler à des foules et à improviser à chaque instant, doit avoir des amas de toute sorte, et à qui l’on ne demande jamais compte de ses répétitions, quand elles sont bien placées et qu'elles sont relevées par des traits d’un soudain et vif à-proposs. »

Mirabeau était encore enfant que son père lui reprochait sa manie de copier. Mais à qui la faute ? Son éducation ne lui avait pas appris à distinguer le mien du tien. « On l'avait accoutumé lui-même à vivre à crédit sur le bien d'autrui comme sur ses propres fonds{. » Avant d'entrer aux états généraux, il publiait, comme étant de lui, des livres qu’il avait librement traduits de l'anglais5 ou qu'un modeste écrivain avait composés pour luif. Il ne se faisait pas scrupule de transcrire textuellement la prose d'autrui. Il usurpa de cette façon la paternité d’une notice sur sa propre famille ; cette notice avait été composée par son père, le marquis de Mirabeau. Il n’est pas jusqu'aux lettres qu’il adressait à sa maîtresse, où Garat, Dumont et La Harpe ne retrouvassent des pages empruntées au Mercure galant ou aux tragédies du jour”.

Il n’y a donc pas lieu de s'étonner qu'il ait employé, pour des travaux plussérieux, de nombreux collaborateurs. Sesamisintimes l'attestent® ; les lettres publiées en 1874 par M. Plan, de Genève,

1. Dumont, p. 236 et 245.

2. Dumont, p. 110.

3. Sainte-Beuve, Causeries du Lundi (Mirabeau et Sophie. — 14 avril 1851), v. IV, p. 36.

4. Dumont, p. 307.

9. Par exemple : les Observations sur l’ordre de Cincinnatus, les Observations sur Bicètre.

6. C’est le cas de la Monarchie prussienne.

7. Dumont, p. 272. La Harpe, le Lycée, v. XIV, p. 400.

8. La Marck, Dumont et Romilly, Memoirs, v. 1, p. 109.