Étude sur les idées politiques de Mirabeau

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Mirabeau des ouvrages politiques et judiciaires; l’abbé Lamourette le mettait au courant des questions théologiques; le médecin Cabanis préparait ses projets de loi sur l'instruction publique. Eu Allemagne même, Mirabeau avait un coopérateur dans la personne d’un officier d’origine française, le major Mauvillon?. Enfin il employait ses amis, non seulement à la composition de ses livres et de ses discours, mais encore à la rédaction d’un journal qu’il fonda et qui porta successivement le nom de Journal des états généraux, de Lettres à mes commettants et de Courrier de Provence.

Comment Mirabeau travaillait-il avec ses collaborateurs ? Parfois il leur laissait toute la besogne et se contentait de lire ou même de réciter à la tribune des discours dont la rédaction lui était tout à fait étrangères. Mais ce cas se présentait rarement et Dumont va trop loin quand il dit : « Si tous ceux qui avaient contribué à ses ouvrages avaient revendiqué leur part, il ne serait resté à Mirabeau qu’un certain art d’arranger, des traits audacieux, des épigrammes mordantes et quelques éclairs d’une éloquence mâle qui n’était pas celle de l’Académie française{. » En somme, voici sa manière de procéder au travail.

Un sujet lui vient-il à l’esprit, ou lui est-il indiqué par autrui ? Il le propose aussitôt à ses amis ; il provoque les discussions pour en faire jaillir des idées nouvelles, puis il s'empare de ces idées pour les rédiger ou charge les autres d’en faire la base de leur ouvrage®. Il les excite alors sans trêve ni repos, dans sa conversation, dans ses lettres. Les billets qu’il leur adresse sont pleins de flatteries gracieuses, de câlineries encourageantes. Il leur marque les points sur lesquels il faut insister ; il leur indique les volumes à consulter; il les avertit des coups qu'il s’agit de parer dans la dissertation 5.

Ainsi commençait l'ouvrage, que ce fût un livre, un discours, une note, une simple adresse. « Il étudiait un sujet en composant un livre, dit Dumont : il ne lui fallait qu’un collaborateur qui lui

1. Comme l’ Adresse aux Bataves, Dumont, p. 19.

2. Lévis, p. 218.

3. Tel le discours sur les Assignats du 27 août 1790. Plan, p. 26 et 64. Cf. Levis, p. 218. Romilly prétend qu’il lut souvent à l'Assemblée pour la première fois des discours composés pour lui (Memoirs, v. I, p. 111).

4. Dumont, p. 18. Cf. p. 276.

5. La Marck, v. I, p. 172.

6. Plan, p. 71 et 88.