Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 45

fournit le fonds; il savait en employer vingt autres pour des additions ou des notes, sachant pour cela déterrer des talentsignoréset flatter ceux qui pouvaient lui être utiles. » Il ne réussissait pas à composer lui-même. Ce grand orateur avait peine à travailler la plume à la main?. Les lignes qu’il écrivait étaient pleines de ratures et d’intercalations : c'était un chaos d'idées et de mots, dans lequel il ne parvenait pas à se débrouiller. Alors, ne pouvant lire son propre manuscrit, découragé, impatienté, il le jetait à un secrétaire en lui disant : « Tirez-vous en comme vous pourrez pour m'en faire un copie®. »

Le secrétaire se mettait à l'ouvrage. Il le débrouillait, le modifait, soit en transposant des membres de phrase, soit en répandant la clarté dans l’arrangement des idées et des mots. Mirabeau reprenait alors le travail pour le corriger encore. Il y mettait le traitf, il imprimait son cachet par des changements ou des additionsÿ et soignait en particulier les périodes suivant les convenances de son genre oratoire ou les inspirations de son génie.

Possédait-il vraiment son sujet après y avoir si peu travaillé ? Bien qu'il fût embarrassé parfois des objections qu’on lui présentait à la tribune et qu'il ne se monträt pas toujours capable de défendre les discours que d’autres avaient composés pour luif, il comprenait cependant très vite une question d’après de simples données?. Il avait même le grand art d’intercaler dans ses discours les arguments que, pendant la discussion même, on lui transmettait, écrits à la hâte sur de petits billets5.

. Dumont, p. 7.

. Ibid., p. 276.

. La Marck, v. I, p. 262.

. Dumont, p. 276.

. La Marck, p. 97 et 262.

. Dumont, p. 278.

. Ainsi, dans le discours qu'il prononca sur les mines. Il ne savait rien de la législation qui les concernait; sur les simples données de Pellenc, il n’en répondit pas moins avec la plus admirable précision à toutes les objections qu'on lui fit. (La Marck, v. I, p. 249.)

8. La Marck, v.I, p.249; Dumont, p. 281-282. Dumont a laissé une preuve de l'embarras où Mirabeau se mettait par son genre de préparation. Pellenc avait rédigé le discours que Mirabeau prononça le 30 octobre 1790 sur les biens du clergé. Mirabeau se trouvait fort empêché pour répondre aux réfutations de Maury. Il veut cependant avoir le dernier mot; il court chez Pel-

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