Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABFEAU. 5

est envoyé en Prusse pour observer les derniers moments de Frédéric Il. D'un auteur à gages on fait un espion. Mirabeau a donc appartenu à cette diplomatie secrète, organisée sous Louis XV et continuée sous Louis XVI. Il envoyait au ministre des rapports datés de Berlin et d’autres villes de l'Allemagne. Mais il était peu écouté, et sa mission avait, aux yeux du gouvernement, l'unique, mais précieux avantage de le débarrasser de sa présence.

Mirabeau, qui s’en aperçoit, obtient, à force d’instances, de rentrer à Paris (1787); il veut s’y trouver au moment de la Révolution qu’il pressent. Les années qui la précèdent immédiatement (17871789) partagent en deux la vie de Mirabeau. Elles séparent ses années de préparation de celles où il va manifester ses talents naturels et ses connaissances acquises. Tousses efforts tendent à entrer aux états généraux. Remarquons-le encore : c’est au ministère qu'ils’adresse pour être élu député de la noblesse. Il aspire,en 1789, à jouer le rôle de candidat officiel. Il ne réussit pas à le devenir. Dédaigné par le gouvernement, renié par sa famille, méprisé par la noblesse, Mirabeau n’a plus qu'une chance de salut, qu'un moyen de parvenir : la Révolution. Il s'adresse au peuple. Mirabeau était une célébrité déjà, et une célébrité en quelque sorte révolutionnaire, double titre à la faveur de la bourgeoisie de 1789. Il réussit, par des moyens plus ou moins honnêtes!, à se faire élire député par le tiers état des deux villes de Marseiïlle et d'Aix, et il entre enfin à cette Assemblée nationale, où il doit briller jusqu’à sa mort (1791).

En 1789, son éducation politique est parfaite. Il a atteint son plein développement. Il appartient désormais à l’Assemblée nationale, à la Révolution, à l’histoire. Ses études se sont faites à la diable ; il s’est occupé de tout, il a écrit sur tout. Il possède, d'une manière un peu superficielle, il est vrai, cet ensemble de connaissances qui fait le fonds de l’orateur. Il a éprouvé des souffrances morales et physiques ; il a connu tour à tour la misère, la captivité, l'exil. Son long stage dans les prisons lui a donné le temps d'étudier et de réfléchir ; ses voyages l’ont développé ; il a comparé les institutions et les peuples; il a acquis l'expérience des choses et des hommes ; il remplit ainsi toutes les conditions

1. Dumont, Souvenirs sur Mirabeau, p. 46. Cf. Lettre de Portalis sur les manœuvres de Mirabeau pour se faire élire à Aix (12 avril 1789) dans la Revue des documents historiques, p. p. MM. Charavay frères ; n° de janvier-février 1881.