Étude sur les idées politiques de Mirabeau

82 F. DECRUE.

Comme il se piquait de constance dans ses principes, il dut, à l’Assemblée, revendiquer cemême droit en faveur des émigrés. Leur départ l’affligeait cependant!. Il avait d’abord cherché à l’empêcher par des voies détournées. Le Courrier de Provence s'efforçait de les rassurer; il les rappelait en disant que la France avait besoin d'eux, de leurs richesses, de leurs conseils?. Mirabeau voulait empêcher l'Assemblée de leur délivrer des passeports*. En principe, cependant, il soutenait le droit d'émigration*. Les simples citoyens ont la faculté d'aller où bon leur semble; s'ils en usent, rien n’est plus injuste que de confisquer leurs biens pour ce faits. Quand on propose une loi contre les émigrés, il la déclare inconciliable avec les principes de la Constitution. À cette occasion, il rappelle les termes de sa lettre au roi de Prusse et s’écrie : « Si vous faites une loi contre les émigrants, je jure de n’y obèir jamais® ! » Les fonctionnaires publics eux-mêmes et les pensionnaires de l'État sont libres de partir, après avoir au préalable renoncé à leurs places et à leurs traitements. Les seules restrictions que souffre ce droit portent sur les princes du sang royal. Ils doivent être mandés pour prêter le serment civique auquel ils sont particulièrement astreints, comme éternellement appelés à la couronne”. Cependant il revendique pour les princesses le droit de quitter la France. Quand on lui objecte que le salut du peuple est intéressé à ce qu’elles y résident : « Le salut du peuple, répond=il, est avant tout intéressé au respect de la lois. »

L'Assemblée demandait une loi contre les émigrés par méfiance. Par méfiance aussi elle voulait ouvrir les lettres des suspects. Mirabeau s’y oppose au nom de la justice que ne peut

1. Moniteur. Discours du 28 février 1791. Cf. La Fayette, Mémoires, v. IV, p. 47.

9, Courrier de Provence, n. 68, p. 5 et 8. 18 novembre 1789.

3. Moniteur. Discours du 3 août 1789 (Affaire Clermont-Tonnerre). Archives parlementaires, p. 333.

4. Monileur. Discours du 5 août 1789 (Affaires La Vauguyon). Archives parlementaires, p. 337.

5. Moniteur. Discours du 18 décembre 1790 et du 14 février 1791. Courrier de Provence, v. XI, p. 232; v. XIU, p. 189.

6. Moniteur, p. 246 et 247.

7. Moniteur. Discours du 18 décembre 1790 et du 28 février 1791. Courrier de Provence, n° 232, p. 80 et 81. Après les journées d'octobre, Mirabeau s'opposa au départ du duc d'Orléans. Plus tard il proposa la confiscation des biens du prince de Condé qui ne rentrait pas en France, malgré les sommations du roi et de l’Assemblée.

8. Monileur. Discours du 44 et du 24 février 1791. Courrier de Provence, v. XIII, p. 189.