Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 4

lui fait ombraget. De là des jalousies et des haïnes politiques, bien qu'il fût « au-dessus de la malignité et de l'envie comme presque tous les hommes supérieurs?. »

En somme, Mirabeau n’est pas méchant. Ses captivités mêmes ont contribué à réprimer sa fougue ; elles lui ont épargné les tentations ; s’il fût resté en liberté, il eût été, au dire de son père, se faire pendre quelque part. Mais il a été réduit dans une sorte d'in pace, où il lui a fallu dominer ses instincts. Là, il a vécu de longs jours dans le silence et la réflexion ; il a pu regretter ses fautes$ et se corriger par l'étude. Il est sorti de prison sans que le malheur ait aigri son caractère. Son esprit est resté impartial 4, son cœur dédaigne la vengeance.

. Il éprouve au contraire le besoin d'aimer. Sa sensibilité, malgré une exagération qui choque par moments, ne laisse pas d’être touchanteÿ, Sa famille le tenant à l'écart, il reporte son affection sur ses amis. Il sait en garder de fidèles malgré les divergences d'opinions et les circonstances défavorablest. Mirabeau est un charmeur : on s’attache à ce grand génie, confiant et reconnaissant comme un enfant, aimable et familier comme un « bon compagnon”. »

Ses passions lui nuisent sans doute; mais il leur doit tout ce qui excite notre admiration : cette éloquence enflammée par l'amour toujours brûlant de l'indépendance et de la liberté. Il aimait à dire que « la petite morale était ennemie de la grandes, » et, s’il excusait ses défauts eh les faisant passer pour justiciables de la petite morale, il respectait la grande®. « Il y avait en lui une sorte d'enthousiasme du beau qui ne se laissait point dégrader par ses propres vices#. » Sa religion était de croire à l’immortalité du souvenir que laisse un grand homme. Il pensait, comme Henri IV, qu'on lui rendrait justice après sa mort. « Quand je

1. Dumont, p. 28, 101, 184, 196, 257. Levis, p. 215.

?. Levis, ibid.

3. La Marck, v. I, p. 108.

4. Ibidem.

5. Dumont, p. 72.

6. La Marck, v. I, p. 109 et 259, v. Il, p. 129 et 141. Lettres à Mauvillon, p. 521. Saint-Marc-Girardin, Revue des Deux-Mondes, v. XII, p. 7.

7. Dumont, p. 13, 244 et 303.

8. Ibid., p. 262. Romilly, Memoirs, v.I, p. 80.

9. Dumont, p. 27 et 262.

10. Zbid., p. 294.