Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

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pelait « Mirabeau-Tonneau » à cause de son obésité et pour le distinguer du grand Mirabeau son frère, cria au voleur. Noaïlles, qui n'était rien moins que dévot, ne fut vraisemblablement pas de ceux qui votérent contre le projet; lui qui avait immolé les privilèges de son ordre ne crut pas devoir protester contre l'abolition de ceux du premier ordre de l’État; il se tut (1).

Malheureusement pour le cas qu'il faut faire de son orthodoxie, il ne garda pas le même silence prudent en face de la constitution civile du clergé. Il existe à la date du 2 janvier 1791 une motion où il félicite le chapitre de Saint-Genest-d'Hières de s'être assermenté. Plus tard il s'associe aux mesures que l’Assemblée croit devoir prendre contre les prêtres réfractaires (privations de traitement et le reste). Sa conscience religieuse est bornée par la constitution politique de l'État. A cent ans de distance l’on est tenté de qualifier son action d’odieuse. Il serait injuste de céder à la tentation, à moins d'oublier que six mois auparavant le clergé était un corps politique et que le gallicanisme, c’est-à-dire l’intrusion du pouvoir civil dans les affaires de l’Eglise, avait été la monnaie courante des gens religieux sous la monarchie.

(1) 346 voix contre 368 repoussèrent la motion. (Moniteur universel du 2 au 3 novembre 1789.) — Or, les membres du clergé étaient au nombre de 308. — Si l’on suppose, comme cela est vraisemblable, que le clergé presque entier ait voté contre ce que ses chefs appelaient « son dépouillement », il est facile de calculer qu’une trentaine de membres au plus de l’ordre de la noblesse repoussérent la molion de Talleyrand.