Histoire de la théophilanthropie : étude historique et critique : suivi d'une notice sur les catholiques allemands

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la Théophilanthropie. Avec beaucoup de bon sens et de vérité, M. Carle reproche aux Théophilanthropes d’avoir donné à leurs doctrines, à leurs formes religieuses, un caractère trop exclusivement intellectuel. « Dans leur institution, dit-il, rien ou presque rien qui s'adresse au sentiment. Ils s'étaient placés dans une sorte d’abstraction philosophique; le mouvement et la vie ont manqué à leur société. Ils présentaient des préceptes sans en montrer la manifestation dans les types les plus éminents de l'histoire. Ils étaient incomplets; ils ne résumaient pas, sous une forme vivante, les progrès accomplis dans les âges antérieurs ; leur horizon religieux était trop uni, si je puis m’exprimer ainsi; leur idéal est un tableau où il n’y a qu'un seul plan, où l’on ne peut démêler aucune perspective. La tentative était louable; les vues ne furent ni assez larges, ni assez profondes. C'est une œuvre qui contient quelques bons germes, mais où il y a beaucoup de lacunes, et qui aurait eu besoin de recevoir d’autres développements pour satisfaire les aspirations indéfiniment progressives du monde moderne (1). »

Cette appréciation d’un écrivain dont on ne saurait mettre en doute l’impartialité, la sympathie générale pour l’œuvre des Théophilanthropes et surtout pourile but qu'ils ont poursuivi, nous paraît juste; elle n’a besoin, à vrai dire, que d’être développée et complétée pour nous rendre compte de l’insuccès de cette institution.

Quant aux écrivains d’une autre tendance qui se sont occupés de la Théophilanthropie, ils ne se sont pas mis en frais d’imagination et de recherches pour expliquer son échec ; ils l’ont simplement tournée en ridicule, poursuivie de leurs sarcasmes ; ils ont prononcé contre elle une condamnation sommaire et absolue; ils n’ont pas même rendu hommage à l'honnêteté, à la droiture d’intentions des fondateurs et des chefs de l'institution. M. de Pressensé s’est distingué entre tous par la violence, l'ironie, le ton tranchant et dédaigneux de son langage; hommes et choses, il a tout condamné, tout raillé, et, autant qu'il dépendait de lui,

(1) Qu'est-ce que la Téophil.? Introduction et appréciation par Carle, p. 37.