Histoire de la théophilanthropie : étude historique et critique : suivi d'une notice sur les catholiques allemands

18 HISTOIRE

pas seulement à l'espèce, mais à l'individu : pas seulement à l’humanité, mais à l’homme, à chaque homme. Le christianisme nous donne enfin l’idée d’un Dieu tout-puissant, tout bon et imManent, c'est-à-dire non séparé du monde, toujours présent dans la nature et dans le cœur de l’homme.

Voilà l’idée que le christianisme nous donne de Dieu. 11 est facile de comprendre que par elle, la nature revêt un caractère divin et que la vie humaine est comme transfigurée en Dieu. Cette idée acceptée, le sentiment qu'un tel Dieu nous inspire n’est pas seulement la crainte, le respect, ladoration, comme dans le paganisme ou dans le judaïsme, c’est la confiance, l'amour, c’est le désir de s’unir toujours plus étroitement à ce Dieu en qui, selon la belle parole de Paul : « Nous avons la vie, le mouvement et l'être (1) ».

Il est une autre conception de Dieu, qui est loin de favoriser au même degré la vie religieuse. Cette conception, c’est celle du Déisme. Le Déisme affirme Dieu comme l'être nécessaire, le créateur et l’ordonnateur de l'univers, le principe et la source de tout ce qui est, mais en l’affirmant, il le nie. Il le nie d’abord en soutenant que Dieu nous échappe, que nous ne pouvons absolument pas le comprendre, qu’il nous est impossible de savoir ce qu'il est en lui-même, et qu'il est téméraire de notre part de vouloir pénétrer son essence et sonder ses perfections. C’est Jà l'idée déiste que Voltaire a exprimée dans ce vers fameux :

€ On ne peut l’ignorer, on ne peut le comprendre, »

Le Déisme nie Dieu encore par l’idée qu'il se fait des rapports de Dieu avec le monde. A vrai dire, le déisme réduit l’action divine à une sorte de sinécure (2). Dieu est, mais son existence s’atteste par son absence: il ne s'occupe pas de lunivers, il ne s'occupe pas de l’homme; semblable à ces rois qui règnent et ne gouvernent pas, il n’use de sa puissance que pour mainterir

(1) Livre des Actes, ch. XVI, v. 28.

?) Bartholmes, Histoire critique des doctrines religieuses. de la philosophie moderne, tome I, p, 220.