Histoire de la théophilanthropie : étude historique et critique : suivi d'une notice sur les catholiques allemands

$0 HISTOIRE

à le comprendre : « Ce qu’il y a de plus injurieux à la divinité, dit-il, ce n’est pas de n’y pas penser, mais d’en mal penser. » Comme Voltaire, Rousseau se représente un Dieu extérieur au monde, étranger à la vie de l’univers et à celle de l’homme, sans action sur la conscience humaine, un Dieu enfin, avec qui toute communion, tout rapport personnel est impossible. Qui n’a lu les lignes éloquentes dans lesquelles Rousseau exprime cette pensée irréligieuse, avec une clarté qui ne laisse rien à désirer : « Que demanderais-je à Dieu? Qu'il changeât pour moi le cours des choses? Qu'il fit des miracles en ma faveur? Moi qui dois aimer par-dessus tout l’ordre établi par sa sagesse et maintenu par sa providence, voudrais-je que cet ordre fût troublé pour moi? Non! ce vœu téméraire mériterait d’être plutôt puni qu'exaucé ! Je ne lui demande pas non plus le pouvoir de bien faire : Pourquoi lui demanderais-je ce qu’il m'a donné ? Ne m’at-il pas donné la conscience pour aimer le bien, la raison pour le connaître, la liberté pour le choisir? Si je fais le mal, je n’ai point d’exeuse, je le fais parce que je le veux; lui demander de changer ma volonté, c’est Ini demander ce qu’il me demande; c'est vouloir qu’il fasse mon œuvre et que j’en recueille le salaire. » Émile, liv. IV.

Ainsi ce n’est pas seulement le miracle extérieur, matériel, que Rousseau repousse au nom de la sagesse de Dieu et de l’ordre immuable qu’elle à établi ; ce qu’il repousse aussi, c’est l’idée qui se cache sous les dogmes chrétiens de l’Inspiration, de l’Incarnation.…, etc... l’idée d’une action permanente de Dieu dans le monde des esprits, par la grâce.

Aussi, quel que soit le charme que le style magique de Rousseau prête à ses idées, de quelques draperies brillantes que son génie sentimental et oratoire recouvre son système, rien n’en saurait dissimuler le vide et l'impuissance religieuse. En réalité, le Théisme de Rousseau n’est pas plus favorable à la piété que le Déisme de Voltaire. Rousseau, il est vrai, fait de l’amour de Dieu le principe de la vertu; mais, c’est là, de sa part, une contradiction, un non-sens : car, comment aimer celui qu’on ne peut connaître, un pur être de raison, celui qu'un théologien