La correspondance de Marat

24 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

auprès de l'ambassadeur d'Espagne à la cour de France qu'on essayait d'agir, et ces influences ne pouvaient manquer d’avoir un grand poids, car elles venaient, pour la plupart, de quelques membres de l’Académie des Sciences, dont Marat lui-même a raconté les sourdes menées. En même temps, des lettres violentes et haineuses affluaient à la cour d'Espagne. Roume révéla à Marat les machinations de ses adversaires. C'est alors que Marat lui écrivit la longue lettre qui suit, sorte de plaidoyer justificatif, destiné à être mis sous les yeux du roi d'Espagne et de son ministre, le comte de Florida-Blanca. On ne connaît cette lettre que par une copie faite par Roume, que celui-ci a fait précéder des lignes suivantes : « Lettre très intéressante, où M. de Marat me fait la récapitulation de tout ce qui lui est arrivé depuis son entrée dans la carrière des sciences. J'en ai remis une copie de moi certifiée, à M. le comte de Florida-Blanca, il y a trois semaines. — Madrid, le 10 février 178%. — Roume DE Saint-Laurent. » Gette lettre fut publiée pour la première fois dans le tome VIII des Miscellanies of the Philobiblon Society (London, 1863-1864). Elle a été reproduite plus tard, en 1880, par M. Chèvremont!, qui, ayant eu communication, par M. Gabriel Charavay, de la copie autographe de Roume, a cru que le document était inédit.

Il est done vrai, mon ami, que la calomnie a volé de Paris à l'Escurial pour me noircir dans l’esprit d’un grand Roi et d’un illustre Mécène. Vingt lettres, dites-vous, m'ont peint sous les couleurs les plus noires.

Mais qui sont mes détracteurs ? Faut-il le demander? De lâches envieux, dont la tourbe nombreuse ne cesse de s’acharner à ma perte; des philosophes modernes, cachés sous l’anonyme ou de faux noms pour me diffamer. Seraije done toujours en butte à leurs traits, pour avoir renoncé aux honneurs académiques par amour de la vérité, pour avoir avancé les connaissances utiles, pour avoir rappelé à la vie un grand nombre de mes frères déclarés incurables, pour avoir défendu la cause de la vertu ? À cette idée mon

4. Jean-Paul Marat, I, p. 40 sq.