La correspondance de Marat
LA CORRESPONDANCE DE MARAT 25
cœur se révolte. Mais non, je ne murmurerai point contre les saints décrets de la Providence; et à quelques excès que se portent mes adversaires, jamais ils ne me forceront à me repentir d’avoir été homme de bien.
Sans doute que vous n’attendez pas de moi une justification dans les formes. Des imputations sans preuves, vous le savez, tombent d’elles-mêmes. Dans tout État bien réglé, elles sont réputées calomnies. Partout elles feraient la honte d’un juge qui leur donnerait quelque poids contre le témoignage d'un seul homme de bonnes mœurs. Des perfides qu’en tous lieux la justice repousse avec horreur, et dont elle poursuit les forfaits par des supplices infamants, osent-ils donc se flatter d’obtenir quelque confiance au tribunal de Gharles IT !
J'espère que le Roi est bien persuadé que ces œuvres de ténèbres ne peuvent avoir qu'une source empoisonnée; mais je dois éclairer sa religion, que des méchants s’efforcent de surprendre. Heureux encore dans mon infortune, qu'ils m’aient forcé de mettre sous les yeux de cet auguste monarque les témoignages honorables qu’en toutes rencontres je reçus d'hommes aussi justes qu'éclairés.
Laissons là mes adversaires, c’est de leurs imputations qu’il s'agit; et, pour les apprécier à leur juste valeur, il importe de remonter à l'origine de leur haine.
Dès mon enfance, j'ai cultivé les lettres, et avec quelque succès, j'ose le dire. À peine eus-je atteint l’âge de dix-huit ans, que nos prétendus philosophes firent différentes tentatives pour m'attirer dans leur parti. L’aversion que l’on m'avait inspirée pour leurs principes m'éloigna de leurs assemblées et me garantit de leurs funestes leçons. Cette aversion n’a fait qu'augmenter, à mesure que le raisonnement s’est fortifié chez moi, et longtemps elle fixa l’objet de mes réflexions.
L’envie de me former aux sciences et de me soustraire aux dangers de la dissipation m’avait engagé de passer en Angleterre. J'y devins auteur, et mon premier ouvrage fut
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