La Serbie
” Samedi 12 Janvier 1918 - No 2
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LA SERBIE
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Comité yougoslave à Londres, interprète des sentiments et des aspirations de sept millions de Serbes, de Croates et de Slovènes qui, sous la domination tyrannique de l’Autriche-Hongrie, ne peuvent parler jibrement, et représentant de toutes Îles or: ganisations yougoslaves en Amérique et dans les Dominions britanniques. * La récente et heureuse nouvelle que la République des Etats-Unis d'Amérique a déclaré la guerre à l'Autriche-Hongrie doit être glorifiée. Cela nous a tous remplis d'enthousiasme et a renforcé notre conviction que notre nation sera libérée du joug austro-hongrois et uni en un seul Etat avec la Serbie et le Montenégro.
Nous saluons en Votre Altesse Royale que nous savons être dévouée avec une fervente abnégation à l’idée de notre unité nationale, le futur souverain commun de l'Etat démocratique et uni de tous les
L Serbes, Croates et Slovènes.
nr (signé) TROUMBITCH, président.
La terreur buigare en Serbie
— Témoignage d’un officier autrichien —
La revue magyare « Maggyar Figelyo », du 16 décembre, publie le récit des aventures d’un officier autrichien, Ador Mandi, pendant son séjour en Serbie, comme prisonnier de guerre. Mandi, après diverses aventures, est parvenu à réintégrer sa
atrie.
Cet officier autrichien a été, au début de ses aventures, en contact avec l’armée bul-
gare. Voici ce qu'il dit des Bulgares :
« Je dois dire impartialement qu’ils (les Bulgares) se sont comportés impitoyablementenversles vaincus. Celui qui voulait se rendre était sommé de répondre à la question Qui es
tu? Si la réponse était qu'il est Macédo-.
nien, on lui disait: Bien, tu peux partir; mais s’il était Serbe, on était sans pitié pour lui: immédiatement la crosse retombait sur sa tête. Ce n'est que dans le cas où ces gens étaient appréhendés en assez grand nombre que les Bulgares jugeaient bon de les emmener. J'ai vu beaucoup de cadavres mutilés à Strouga ; de nombreux témoins ont vu le long d’un chemin comment huit Serbes, dont l’un avait jeté une bombe sur les Bulgares, furent assommés à coups de crosse, au
-point.de faire jaillir la cervelle. Autant. le
Bulgare est humain et traitable pendant la paix, autant il est sauvage et impitoyable envers ses ennemis pendant la guerre. »
Dans un autre passage, l'officier autrichien donne un tableau effroyable du sort des prisonniers serbes. L
« J'ai vu au milieu d'une chambre pleine de prisonniers deux cadavres qu’on ne voulait pas évacuer; l’air de cette chambre en était empesté. On ne donnait aux prisonniers presque rien à manger. Un officier bulgare m'a dit en riant: « Un pain suffit à un Serbe pour dix jours. » Pour chaque bagatelle, les Serbes furent roués de coups... Un Bulgare nous a invités à prendre les capotes des Serbes, ce à quoi nous consentimes. Le Serbe qui s'y opposait, était frappé d’un soufflet si formidable qu'il perdait toute volonté de s’opposer à quoi que ce fut... »
Une déclaration du roi de Bulgarie
Adolphe Strauss, professeur de lPAcadémie orientale, publie dans la « Neue Freie Presse », numéro de Noël, avec l’autorisation du roi de Bulgarie, une déclaration que celui-ci a faite à Budapest, le 22 décembre. Le roi de Bulgarie affirme le désir des souverains des puissances centrales d’arriver à la paix.
« D'après les lois de l'énergie et de la logique, a dit le roi Ferdinand, le chemin de la paix semble dégagé des obstacles les plus difficiles. La guerre mondiale a donné des résultats avec lesquels nos adversaires doivent compter, de même que les puissances centrales ne peuvent pas fermer les yeux devant certains enseignements de la guerre. Toute politique pacifique honnête doit tracer les limites de sa volonté et de sa puissance d’après les événements et les expériences de la guerre mondiale.
La situation du royaume bulgare est extrêmement favorable, tant au point de vue militaire qu’au point de vue matériel et moral. La Bulgarie est partie en guerre pour réaliser le point le plus important du programme de l’Entente qui concerne la libération des peuples.
(Ici — signe caractéristique de la situation bulgare d'aujourd'hui — Cobourg recourt au traditionnel double jeu bulgare et cherche à s’assurer à la fois la bienveillance de l’un et de l’autre parti).
L'union de tous les éléments nationaux qui parlent et qui sentent en Bulgares, en une unité qui assure à toutes les parties un développement culturel et économique, la libération et l’union de la nation bulgare est non seulement l'idéal de chaque Bulgare, mais c'est précisément une demande de l'Entente. Cette vérité servira sans aucun doute la cause légitime bulgare pendant les négociations de paix...
Les régions que la Bulgarie tient aujourd'hui en sa possession, grâce à la vaillance de sa glorieuse aimée et à la fidélité de ses héroïques alliés, ainsi qu'aux qualités de sa population de l'arrière, régions où habitent exclusivement ses co-nationaux, lui appartiennent devant Dieu et devant les hommes. La guerre balkanique de 1912-13, dont les plus lourdes charges ont été supportées par la Bulgarie, a été conduite pour la libération du peuple bulgare. Par la trahison de ses alliés d’alors, la Bulgarie a perdu le prix de ses glorieuses victoires acquis par tant de sang.
La participation de la Bulgarie à la guerre mondiale a eu pour but d'assurer définiti-
vement le fruit des victoires acquis déjà en:
1912-13 par des sacrifices sanglants énormes. La Bulgarie se place aujourd'hui encore sur la base du traité que ses alliés d'alors et ses ennemis principaux d'aujourd'hui, ont signé et sur lequel ils ont prêté serment... »
Une protestation des Yougoslaves
Les membres du Comité yougoslave, présents en Suisse, Dr. Julius Gazzari, de Sébénico (Autriche); Veljko Pétrovitch, de Sombor (Hongrie); Dr. Milan Srchkitch, de Sarajevo (Bosnie); Dr. Nikola Stojanovitch, de Mostar (Herzégovine), ont envoyé à la Constituante de Pétrograde la dépêche suivante :
«Les membres du Comité yougoslave qui se trouvent en Suisse, en leur qualité de représentants de l’émigration yougoslave, considèrent de leur devoir d'attirer l’attention de la Constituante et de lopinion publique impartiale sur les faits suivants:
jo En dehors des Magyars et des Allemands, aucun peuple n’est satisfait de sa situation dans la Monarchie habsbourgeoise
et tous désirent obtenir leurs Etats natio-
naux indépendants. Renseignés par ane jongue et douloureuse expérience, ils n'ont aucune foi dans les promesses fallacieuses des gouvernements autrichien et hongrois et n’admettent point que l’on puisse considérer le problème austro-hongrois comme un problème intérieur. Les peuples en Autriche-Hongrie ne consentent nullement à ce que leurs questious nationales soient résolues sur la base d’une constitution octroyée et fictive, violée constamment, telle que celle existant dans la Monarchie. Les récents faits arbitraires historiques l'abelition de la voïvodie serbe en Hongrie, la spoliation de Rijeka (Fiume) par les Magyars, l’annexion de la Bosnie-Herzégovine — démontrent que non seulement les lois essentielles intérieures, mais également les traités internationaux, n’entravent en rien les gouvernements autrichiens et hongrois dans leurs p'ans égoïstes et conquérants. Tous les peuples de l’Autriche-Hongrie et de la Bosnie-Herzégovine, opprimés constitutionnellement, demandent le droit de disposer librement de leur destinée, droit que l’Autriche-Hongrie réclame pour les territoires russes sans vouloir le reconnaître pour ses propres territoires.
20 Constituant une même unité ethnique, opprimée par les Allemands en Autriche et par les Magyars en Hongrie et en Croatie, et par les deux peuples à la fois dans la seule colonie en Europe, la Bosnie-Herzégovine, tous les Serbes, Croates et Slovènes demandent leur réunion avec la Serbie et le Monténégro dans un Etat indépendant. Ils demandent des indemnités pour tous les dommages causés à la propriété privée dans la guerre inouïe que l’Autriche-Hongrie, par l'intermédiaire des autorités militaires de l'Etat, a dirigée contre ses propres ressortissants privés de toute protection. Ils considèrent de leur droit d'hommes et de Slaves de dire ouvertement aux révolutionnaires russes honnêtes
‘et conscients de leur mission, qu’une paix
séparée, si elle venait à être conclue, créerait un mal plus grand que celui créé en 1849 par le tzar Nicolas ler, lorsqu'il sauva l'Autriche-Hongrie de ses peuples en Îles empêchant de disposer d'eux-mêmes: une telle paix anéantirait toute idée démocratique dans l'Europe centrale et laisserait subsister un foyer permanent de troubles et de guerres.
Répondant au vœu de tout leur peuple opprimé, les membres du Comité yougoslave déclarent que seul le triomphe complet des démocraties européennes et américaines pourra apporter la liberté à tous les peuples de la Monarchie ‘habsbourgeoise. »
AVIS AUX LECTEURS À partir de ce numéro, « La Serbie» paraîtra le le samedi au lieu du dimanche et elle sera en vente à Genève déjà le vendredi. Ce changement est fait pour faire parvenir le journal plus rapidement à Corfou et à Salonique.
L'Amérique et la Serbie
En l'honneur de la mission serbe, M. Lansing, ministre des affaires étrangères, a offert un dîner le 29 décembre. Parmi les invités se trouvaient un grand nombre d'hommes d'Etat et des personnages distingués militaires et civils. M. Lansing a dit dans son discours : « Je suis fermement convaincu que tous les Américains présents à cette table partageront ma joie de voir parmi nous les représentants de la mission serbe venue pour nous saluer. On ne doit pas oublier un seul instant, que notre ennemi commun attaqua d’abord la Serbie, qui versa sonsang sur chaque parcelle ‘de son héroïque patrie. Lorsqu'on écrira l’histoire de cette guerre, je suis convaincu que le chapitre le plus glorieux portera de droit le titre de « Serbie ». L'armée serbe réalisa des miracles. La bravoure du peuple serbe supporta et supporte encore des souffrances inouïes. Des pareils sacrifices et une telle endurance ne doivent pas être méconnus et doivent être récompensés. Je prie chacun de se lever avec moi pour saluer le glorieux roi de Serbie et son auguste fils l'héritier du trône, ainsi que les membres distingués de la mission serbe. »
Le chef de la mission, M. Vesnitch, répondit: «Nous sommes heureux d’avoir eu l'occasion de venir dans ce pays de liberté, qui ne cesse pas de s'inspirer du génie de Washington et à qui nous autres Serbes devons une profonde reconnaissance, non seulement pour l’aide matérielle et morale accordée jusqu'ici, mais aussi pour ce que l'Amérique fera, nous le savons, pour la cause commune des alliés et certainement pour la Serbie. Notre peuple supporta pendant ces cinq années des souffrances incomparables et plus horribles que la longue torture subie pendant la lutte séculaire pour la libération. Le peuple serbe supporta vaillamment les épreuves et peut affirmer, la tête haute, que depuis le roi, qui est le premier soldat et le premier citoyen de notre pays, depuis son auguste fils, qui oublia sa jeunesse au service de la patrie, depuis le plus haut commandant jusqu'au simple soldat et jusqu'aux femmes et enfants, chacun fit ce qui était son devoir. Le peuple serbe fut débarrassé de l'angoisse de voir son existence et son avenir COmpromis le jour où le sage et l'excellent chef du peuple américain annonça sa décision d'entrer en guerre à côté de nos alliés pour le triomphe de la liberté, du droit et de l'honneur sur la barbarie et la tyrannie. Depuis ce jour nous envisageons l'avenir avec plus de calme, convaincus que nos alliés et en premier lieu l'Amérique conquerront la véritable liberté et l'égalité pour les petits peuples, l’idée à laquelle nous et nos frères croates et slovènes sommes prêts à donner la dernière goutte de notre sang. Je vous prie, messieurs, de saluer le président Wilson, dont l'Amérique et avec elle tout le monde civilisé, assemblé autour de nos alliés, peuvent à juste titre être fiers. »
Les deux discours furent chaleureusement accueillis. La cordialité du ministre des affaires étrangères, M. Lansing, fit, tout spécialement, une profonde impresSion. ==
pénombre nous remarquâmes deux hommes — deux forçats. L'un, vêtu à la citadine, jeune, avec des petites moustaches noires. L'autre, une espèce d'athlète. Une de ces figures idéales de paysans — gentilhommes de nos montagnes chez lesquels, ‘dirais-je, resplendit encore la gloire et la beauté de Kraliévitch Marco. De fortes moustaches et de longs cheveux noirs, un peu rares sur le front, un profil classique et une tête fière, tenue et costume seigneuriaux. Etofte mauve foncée, ceinture de cuir pardessus celle de drap, chemise ornée de boutons d'argent, ouverte sur la poitrine. Des manches de chemises larges et blanches flottant comme des ailes autour de ce grand corps, qu'on aurait dit:sorti des mains d’un sculpteur.
« Je suis l’otage Yvo Voïnovitch, dis-je à ces graves et taciturnes inconnus. Les têtes alors se levèrent, leurs yeux se rencontrèrent. « Je suis le père Rositch, de Diçno », répondit le plus jeune. » « Et moi, je suis Onésime Popovitch, de Knine », ajouta doucement cet autre héros. et il se tut. Quant à moi — demandez donc à mes compagnons de prison comment j'étais. En somme, j'étais gai même là. Pourquoi aussi ne l’aurais-je pas été ? :
(A suivre.) su
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Noël Suisse 1917. Edition Atar, Genève. — Cette belle et riche publication, préparée avec soin par M. Alexis François, fait connaître au peuple suisse en ces jours Ce fête et de repos, un peu de l’âme et du caractère d’un autre petit peuple, du peuple serbe. C’est vraiment, de la part du rédacteur du Noël suisse, une attention très touchante d’avoir pensé à un peuple martyr et d’avoir voulu montrer aux petits Suisses et aux autres lecteurs que les Serbes loin d’être brigands, assassins et voleurs, possèdent une poésie nationale merveilleuse, signe manifeste de la beauté et de la grandeur âe leur âme.
Les trois poèmes serbes sur la tzarine Militza,lamère des Yougovitch et la fiancée de Kossovo,.que M. François a choisis pour le Noël suisse, dans les traductions de Dozon et
d'Avril reflètent admirablement quelques traits essentiels du caractère serbe. Dans la tzarine Militza l'amour de la patrie et le sentiment du devoir l'emportent sur toutes les autres considérations : c’est en vain que l'impératrice Militza supplie ses frères de rester chez elle et de ne pas aller sacrifier leurs vies à la défense du roi et de la patrie. Dans la mère des Yougovitch c’est le même exemple de l'amour de la patrie qui fait taire jusqu’à l'amour maternel. Et dans la fiancée de Kossovo on assiste à la tragique histoire des jeunes filles serbes, après la catastrophe de Kossovo. Ajoutons encore que les trois poèmes sont artistiquement décorés par M. et Mrne José Porto.
M. François a pensé aussi à l’autre peuple martyre, au peuple belge. Le massacre des innocents, une légende de Maurice Maeterinck, qui est une des plus anciennes œuvres du célèbre poète, n’intéressera pas moins les lecteurs par son originalité.
« Nous ne savons encore, dit M. François, à l'heure où nous mettons sous presse, si les cloches de Noël sonneront en 1917 la délivrance des peuples que la guerre a privés de leur liberté et qui souffrent actuellement dans leur chair et dans leur âme sous le joug momentané d'un barbare éppresseur. Quoiqu'il arrive la pensée des Suisses ira
vers eux, joyeuse ou triste. » RL
« Pourquoi ? » Conférence donnée à Grenoble en novembre 1916, par Cnarces VUILLE, avocat, ancien bâtonnier.
On sait avec quelle ardeur, Me Ch. Vuille a mis, dès le début de la guerre, son talent au service de la Cause des Alliés, qu’il estime à bon droit être celle de l'humanité. Conférences, brochures, toute une activité fut dépensée par Me Vuille, dont l'esprit combatif est aussi connu que la verve. Dans cette dernière brochure, où il étudie les raisons du maintien de la neutralité suisse, Me Vuille a déployé toutes les-qualités de spirituelle éloquence que nous lui connaissons. Tous les
Serbes — qui n'ignorent pas combien Me Vuille est sympathique à leurs efforts — liront ces pages avec autant d'agrément que de profit.
Un écrit de Dim. Toutzovitch. — « Die Glocke », revue socialiste, reproduit, dans son numéro du 8 décembre, un fragment du livre « La Serbie et Albanie » traduit du serbe en allemand par M. Hermann Wendel, député socialiste au Reichstag et dont l'auteur est feu Dimitrié Toutzovitch, un des chefs du parti socialiste serbe, tombé glorieusement il y a trois ans comme officier de réserve, dans la guerre actuelle. « Le projectile qui lui perça le cœur, dit la « Giocke », détruisit un grand espoir non seulement du socialisme serbe mais aussi du socialisme international. »
Kolo, album des danses serbes. — Sous ce titre en langues serbe, française et anglaise, vient de paraître à Paris un recueil des danses populaires serbes arrangées pour le piano par le compositeur serbe M. Boza Yoksimovié. L'album, fort de 52 pages contenant 125 danses, est imprimé sur papier surfin. Les entêtes aussi, sont en serbe, français et anglais.
La gravure de la couverture représente, selon des motifs du jeune peintre serbe, M. Vorkapitch, un kolo dansé par les paysans et paysannes serbes en différents costumes nationanx.
Ce joli album est un petit musée de la musique serbe et son côté technique le place parmi les plus jolis livres de l'espèce.
« Kolo » se vend au prix de 6 fr. et de 6 fr. 5) contre remboursement, argent français. S’adresser à B. Yoksimovitch, Paris, rue Cujas. 16.
Imprimerie L. Reggiani, rue du Diorama, 16, Genève.