La Serbie

4 LA SERBIE Samedi 23 Février 198 — N8 DR DR TS LT Meet US I EC

Les Yougoslaves et la Conférence de Brest-Litovsk

Mémoire adressé par le Club yougoslave aux chefs des délégations allemande, austro-hongroise, russe et ukrainienne, à la Conférence de la paix

Nous trouvons dans le journal croate « l'Obzor», de Zagreb, du à février, un document d’une valeur internationale. Il s'agit du memorandum présenté par le club yougoslave du Parlement de Vienne aux chefs des délégations allemande, austro-hongroiïse, russe el ukrainienne, représentées à la Con[érence de Brest-Lilousk.

La censure a interdit sa publication dans les Journaux de la monarchie austro-hongroise. Voici la traduction textuelle de cetle manifestation de la plus haute portée politique, faite siaudacieusement par les Yougoslaves de la Monarchie habsbourgeoise en faveur de la constilulion d'un Etat yougoslave indépendant et souverain.

Monsieur le Président.

« Le 9 novembre, l'assemblée des Soviets a accepté les principes qui doivent servir de base aux propositions de paix. Ces principes proclament comme constituant une annexion et une acquisition par la violence, tout cas où un Etat quelconque retient par force dans son sein un peuple, tout cas où la reconnaissance du droit de plébliscite national est refusée à un peuple contre sa volonté, soit que celle-ci se trouve exprimée par la voie de la presse, dans les assemblées nationales, ou bien encore par la résistance ou le soulèvement contre l’oppres-

‘ seur... ainsi que tout cas où un peuple, se voit refuser le droit de se donner lui-même la forme de gouvernement politique qu'il désire. Le gouvernement russe a proclamé solenellement sa décision de ne signer la paix qu'aux conditions précédentes, également justes pour tous les peuples.

Ce gouvernement a en outre proposé que les représentants de toutes les nations et de tous les peuples qui ont été entraînés dans cette guerre et qui en souffrent, soient représentés aux négociations de paix.

Etant donné qu'en réponse à la circulaire télégraphique du Soviet des commissaires du peuple en date du 28 novembre 1917, le gouvernement austro-hongrois a déclarer adhérer aux principes du programme russe « d'une paix sans annexions et sans contributions avec la garantie du droit des peuples de disposer d'eux-mêmes », les délégations yougoslaves de Vienne et de Zagreb, de même que les représentants des peuples tchèque et ukrainien et en présence du gouvernement commun austrohongrois, ont déclaré solenellement le 3 décembre 1917 qu'elles tiennent à la réalisation pure et complète du droit de leurs peuples à disposer d'eux-mêmes, et qu'elles demandent pour celà des garanties suffisantes. À cette occasion, et plus tard à plusieurs reprises, elles ont revendiqué de la façon la plus catégorique la participation aux négociations de paix des représentants des peuples d'Autriche-Hongrie:

Malgré que ces revendications expriment le vœu de l'écrasante majorité des peuples, le gouvernement austro-hongrois non seulement a refusé catégoriquement la participation des représentants des peuples aux négociations de paix, mais encore il a déclaré de la façon la plus ferme qu'il n'était pas disposé à reconnaitre aux peuples vivant dans les frontières de cet Etat, le droit de disposer d'eux-mêmes, sous prétexte que les constitutions existantes offrent à ceux-ci la certitude suffisante de pouvoir se développer librement aussi à l'avenir au sein de la monarchie.

En présence de ces faits et considérant qu'au cours des négociations de paix il sera décidé du sort et de l'existence de notre peuple, nous estimons comme notre devoir sacré d'exposer ouvertement notre point de vue à cet égard.

Depuis le sixième siècle, le peuple des Slovènes, des Croates et des Serbes (connus sous le nom commun de Yougoslaves) habite la région située au nord et à l'est de l'Adriatique. Subiugué successivement par la force des Turcs et des Germains et en partie aussi des Romains, ce peuple a, au cours de son esclavage séculaire, supporté de grandes souffrances. Lorsque les fractions de ce peuple ont pu conquérir la liberté de vivre en un Etat — et en tant qu'ils l'ont eue — la culture et la civilisation ont fleuri chez elles, tandis que sous les Turcs les fractions subjuguées ont été contraintes au servage ouvertement et sous le nom de « raïas » ; sous les Germains, elles furent réduites à un rôle de serviteurs et de prolétaires, sous d'autres noms et sous des formes diverses. Malgré cette effroyable oppression une vive étincelle de l'idée de liberté et une tendance éternelle à une unification nationale purent se maintenir dans le peuple entier.

Le déclanchement de la guerre mondiale a apporté de nouvelles et dures épreuves à notre

peuple émietté dans diverses organisations étatiques.

Sous la terrifiante pression de l'organisation militaire fut exterminée la fleur de notre jeunesse, dont certaines parties se virent opposées les unes aux autres.

En même temps commença dans la Monarchie une dure persécution des Yougoslaves; des

dizaines de milliers de familles furent exterminées; des hommes, des femmes, des enfants furent assassinés avec ou sans jugement et leurs biens pillés et anéantis. Un nombre encore plus grand de Yougoslaves furent incarcérés et soumis à des lortures effroyables. D’autres milliers de personnes durent abandonner par force le sol natal. Des milliers de citoyens furent pris comme otages pour la sécurité de l’armée austrohongroise; ils furent lorturés el une partie de ceux-ci furent assassinés. Dans cette sanglante guerre civile faite contre un peuple privé de toute défense, le régime a su remporter une victoire facile. Nous avons le droit absolu d'affirmer que de tous les peuples, le peuple yougoslave a le plus lourdement souffert. É

Lorsqu'éclata la révolution russe et qu'il sembla que l'aurore de la liberté se levait aussi pour les prolétaires parmi les peuples. notre peuple reprit courage et commença une lutte ouverte en faveur de son indépendance. Le 30 mai, le président du club yougoslave donna lecture au Parlement de Vienne d'une déclaration par laquelle on demandait l'union de toutes les régions de la Monarchie habitées par les Slovènes, les Croates et les Serbes en un Etat indépendant sous le sceptre des Habsbourg-Lorraine. Etat libre de toute domination d'un peuple étranger et basé sur des fondements démocratiques. Dans d'innombrables déclarations publiques, la volonté populaire s'est accordée, sans tenir compte des différences de partis et de classes, à revendiquer un Etat libre et indépendant. Malgré la résistance désespérée des peuples priviléègiés allemand et magyar, malgré la pression inouïe de la censure et les menaces continuelles de prison et de famine, la volonté pure du peuple s’est fait jour avec éclat dans le public.

Îci, nous devons protester solennellement contre le fait que les soi-disant constitutions de la monarchie offrent aux peuples la possibilité d'un libre développement. Au contraire, ces constilulions garantissent aux deux peuples privilégiés les moyens de la force organisée de l'Etat pour opprimer et pour exploiter les peuples prolétaires. Le conseil d'Etat autrichien est composé de deux Chambres égales en droits. Les membres de l'une de ces Chambres sont nommés par le gouvernement. Aucune loi ne peut être sanctionnée sans le consentement de la Chambre des seigneurs. Le Parlement est élu, il est vrai, sar la base du suffrage universel, mais ce n'est qu'en apparence ; les arrondissements électoraux sont composés de telle sorte que quarante-trois mille (43.000) Allemands, cinquante-cinq mille (25.000) Yougoslaves, soixante mille (60.000) Tchèques, cent cinq mille (105.000) Ukrainiens et les cent vingt mille (120.000) Slovènes de Carinthie, par exemple, ont droit à un mandat! C'est ainsi qu'artificiellement on transforme la majorité en une minorité. La réalisation de l'égalité des peuples de même que toute idée de modification constitutionnelle deviennent caduques par suite de la résistance du peuple constitutionnellement

“privilégié.

Dans cette monarchie, une autre partie de notre peuple est soumise à la constitution ungaro-croate. Cette constitution et la situation à laquelle elle a donné lieu sont réellement l’opprobre de la civilisation. Soixante pour cent (60 o/e) des peuples de la Hongrie sont des peuples non-magyars et ils ne possèdent que sept pour cent (7 0/0) des mandats, tandis que les Croates, par l'intermédiaire de la Diète croate, n'ont qu'une fiction d'autonomie.

La troisième partie de notre peuple, en Bosnie-Herzégovine, se trouve exposée à l'absolutisme pur et simple. En outre, les Yougoslaves sont en Autriche artificiellement disloqués en sept régions diverses, de sorte que dans la la plupart des cas ils n’ont dans les Diètes que de petites minorités. Ainsi, par exemple, le

tiers slovène de la Carinthie n'a à la Diète

que deux représentants. Les Yougoslaves des provinces de Gorica et d’Istrie où ils constituent dans l’une les deux tiers de la population et dans l’autre les trois quarts, n'ont dans les Diètes que la minorité des mandats. Même en Carniole, où quatre-vingt dix huit pour cent (98 0/0) de la population appartiennent aux Slovènes, la constitution tant vantée par le comte Czernin est appliquée à la Diète de Carniole — qui n’a qu'une compétence limitée devant le parlement — d'une façon si habile que les cinquante-trois grands propriétaires allemands élisent le quart des représentants et jouissent, en outre, du droit de veto dans les questions les plus essentielles, notamment dans celle de la modification de l'administration provinciale. Affirmer que les constitutions de l'Autriche-Hongrie garantissent aux peuples leur libre développement, c'est se moquer vraiment du droit des peuples à disposer d'euxmêmes. Seules, des personnes qui comptent sur l'insuffisance d'informations d'autres partis

et qui veulent intentionnellement tromper l'adversaire, peuvent soutenir de telles affirmations. A l'encontre de tout celà nous réitérons donc par le présent mémoire et de la manière la plus solennelle, à l'occasion des négociations de paix, notre revendication d'une garantie complète pour les peuples austro-hongrois du droit entier de disposer librement d'eux-mêmes.

Notre peuple dans le royaume de Croatie, de Slavonie et de Dalmatie, auquel appartiennent encore virtuellement d’autres régions yougoslaves importantes, a déjà fait usage de son droit de disposer librement de lui-même lorsqu'il a élu pour la première fois son roi dans la maison des Habsbourg (1527), de même qu'à l'occasion de la Sanction Pragmamatique de 1712. Alors encore il a posé ses conditions pour la sauvegarde de son indépendance, conditions qui furent acceptées explicitement par le second contractant.

Malgré l'oppression complète subie pendant les siècles du gouvernement commun germanomagyar et malgré la spoliation de ses droits affirmés dans des parchemins, notre peuple n'a cependant jamais renoncé à son indépendance, de sorte que même en se plaçant au point de vue historique et légal, il a le droit complet de demander à disposer librement de lui-même.

En résumé, notre programme est le suivant:

1°) paix immédiate générale et démocratique, désarmement complet, garantie et assurance internationale du libre développement de tous le peuples grands et petits.

2o reconnaissance et assurance parfaite du droit complet et librement pratiqué des peuples à disposer d'eux-mêmes, surtout dans la question de savoir s’il veulent un Etat libre et sous quelle forme celui-ci doit être constitué.

30) Nous ne demandons pour notre Etat rien de ce qui appartient à un autre peuple et qui ne nous appartient pas; nous demandons seulement pour notre Etat le ferriloire habité en masses compactes et sans solution de continuité par le peuple des Serbes, des Croates et des Slovènes.

40) La mer, surtout la mer Adriatique, doit

être libre. Au cas où le trafic par les ports

situés au nord de la mer Adriatique et se trouvant dans les territoires habités en masses compactes par notre peuple seraient d’une grande utilité pour le développement économique des peuples lointains, nous serions prêts à conclure avec ceux-ci des traités qui leur garantiraient le libre trafic commercial par les ports.

La paix qui voudrait sanctionner la situalion actuelle ne constituerait pas une paix pour les peuples de cette monarchie. Une telle paix serait le commencement d'une lutte à la vie et à la mort des Slaves austro-hongrois et constituerait un obstacle insurmontable pour le développement social des peuples en question. En même temps, la paix internationale serait constamment menacée par une telle situation. Peut-on imaginer que l'organisation internationale de la paix puisse garantir une situation moralement intenable ? Tous les traités de paix du monde qui ont poursuivi le but de protéger la force brutale ont été rapidement déchirés par leur propre immoralité.

Bien que pendant ces négociations de paix à Brest-Litovsk les représentants officiels de la monarchie infirment les revendications de la majorité des peuples austro-hongrois, et que la voix des prolétaires parmi les peuples ne semble trouver de même chez les autres participants une compréhension toute particulière, nous espérons quand même que le monde verra que la paix mondiale démocratique vers laquelle on tend est une impossibilité si la situation actuelle de la monarchie austrohongroise est maintenue, situation qui porte en

elle-même les germes de nouveaux conflits.

C'est pour celà que cet état de choses, qui n'est qu'une apparence de démocratie et qui menace constamment les voisins impose déjà à présent l'application conséquente des grands principes de liberté et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, non seulement de l'autre côté de l'ancienne frontière de l'Etat russe, mais également de ce côte-ci.

En effet, nous constatons avec une profonde satisfaction, que le récent développement des négociations de paix à Brest-Litovsk, confirme le bien fondé et le caractère irrévocable de nos revendications. On voit que le sort de nombreux peuples qui ont souffert pendant la guerre ne sera pas décidé exclusivement par les diplomates des anciennes grandes puissances mais seulernent en commun avec les représentants des peuples qui y sont invités. Le peuple ukrainien a apparu sur la scène : on reconnaît en principe le droit pour les Lithuaniens et les Courlandais de participer aux négociations et le 17 du :nois courant, on informait officiellement que la monarchie avait

réussi à établir un accord avec les Ukrainiens que les deux parties étaient prêtes à entrer dans un état de paix qui garantirait le déve. loppement des rapports amicaux durables, e: que, sur la base d'une parfaite réciprocité, il, discuteraient les diverses questions politiques culturelles qui les intéressent. Comme exemple de tout celà, le comte Czernin a cité la dis. cussion sur la façon de garantir le sort des minorités polonaises qui reviendront au nouvel Etat ukrainien.

Nous voyons donc que sous ce voile la chi. mère de la «non ingérence ) se trouve entamée.

C'est pour celà que nous proposons avec [a plus grande insistance de laisser participer aussi les représentants élus des peuples austrohongrois aux négociations de paix et notamment ceux des Yougoslaves afin d'arriver à un accord sur le droit illimité, garanti et applique en toute liberté des peuples de l'Autriche. Hongrie à disposer d'eux-mêmes.

Vienne, le 31 janvier 1918.

Pour le Club Yougoslave (signé) : Dr. Korosec.

La Bulgarie et ses buts de guerre

Dans notre dernier numéro, nous avons donné un compte rendu d’une séance du Sobranié bulgare où lon parlait des buts de guerre de la Bulgarie. On y voit que M Radoslavoff me se propose rien de moins que de réduire la Serbie au tiers dé (son territoire en réservant les deux autres tiers À la Bulgarie — et tout cela sous prétexte d'achever l'unité du peuple bulgare, unité chimérique et ridicule. étant donné que la Bulgarie, en s'emparant de la Roumélie orientale, en 1885, et de Ja Thrace, en 1918, avait non, seulement parachevé son unité nationale, maïs elle avait dépassé de beaucoup ses limites ethnographiques, vu qu'en Thrace et en Roumélie orientale les Bulgares ne sont qu'en infime minorité.

Ici nous ne voulons pas nous occuper de ces convoitises d’hégémionie, nous nous bornerons simplement à constater une fois de plus la duplicité bulgare, qui nous serait parfaitement indifférente si, malheureusement, quelques politiciens du monde allié me s’y laissaient prendre.

Toutes les fois que Île baromètre giermanique marque tune baisse, les Bulgares se mettent à feindre d’être contre la politique germanophile du roi Ferdinand. Dans ce but üls m’oublient rien à mettre en branle pour produire leffet désiré. L? « opposition » surtout, commence à fonctionner conformément aux instructions données d’en haut. Et les naïfs se laissent duper au point de plaindre ce ‘pauvre peuple bulgare, auquel om ne laisse pas suivre une politique que lui dicteraient ses « vrais » sentiments!

Mais dès que ce même baromètre rtmonte, il ne tarde pas de produire immanquablement son effet attractif sur les Bulgares. Ainsi les succès que les Bolchevikis viennent ‘de faire obtenir aux Allemantis, ont trouvé leur contre-coup au Sobranié bulgare. Les Chefs de 1 « oppor sition. » ont eu, avant la séance officielle du Sobranié, un entretien prolongé avec le président Radoslavoff, qui leur avait distribué les rôles à jouer dans la séance officielle où on allait jouer la discussion sur les buts de guerre. Pastouhoff, socialiste, Malinoff, démocrate, Théodoroff, du

“parti populaire, Blagoeff, socialiste mar-

xisie — fous ces chefs des partis d « opposition » se sont mis d'accord pour appuyer la politique germanophile du gouvernement. Mais en attendant que les préparatifs allemands sur le front occidental aboutissent à un second Verdun, les Alliés doivent franchement abandonner toute idée de séparer les Bulgares de leurs maitres, car de seul moyen de les séparer, c'es die battre ces derniers. M T

Le vice-consul d'Autriche arrêté

Suivanit «La Suisse», le vice-consul d'Autriche-Hongrie Jules Ledinegg, qui avai été arrêté pour espionnage, a été mis liberté sur l'ordre formel du Département

fédéral de justice et police; et peu après, À

la caution de quinze cents francs qu avait versée lui à été restituée. ; Les faits d'espionnage reprochés à Le

dinegg étaient cependant établis de la façon

la plus péremptoire. Lorsqu'il a été arrêté

Ledinegg était en négociations avec Ut

fonctionnaire d’une administration fédérale

qui devait le présenter à un ami travail-

lant en France.

qu meme mL mm or Société Genevoise d'Edit, et d'Impr. — Genève

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