La Serbie

Samedi 23 Février 1918 N 8

LA SERBIE

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drait attacher à son territoire économique.

Ces derniers temps les délibérations économiques se succèdent avec une vitesse inacoutumée chez les Centraux. Le président du Conseil hongrois Wekerlé, et Wimmer, ministre des Finances autrichien, après les pourparlers poursuivis à Vienne, se sont rendus à Berlin où ils ont conféré avec les personnages compétents. Tout porte à croire que Ces conférences ont trait à l'Union douanière ce dont la presse hongroise se fait l’écho. Les organes des agrariens et des industriels magyars s’intéressent vivement aux pourparlers de Berlin. Bien que Wekerlé ait déclaré que le but de son voyage est de régler certaines affaires relatives à la question monétaire, la

presse magyare croit savoir que le véritable

but est l’arrangement économique qui ahoutira à une union douanière. Les industriels et leurs organes ont donné le signal d'alarme en constatant le grand danger que constitue pour la faible industrie hongroise Vunion douanière avec l'Allemagne. L'industrie hongroise a peur d’être débordée par la puissante rivale allemande. Par contre dans les milieux agrariens hongrois l'idée d'une union douanière avec l’Allemagne est très sympathique, car la perspective de pouvoir écouler librement les produits agricoles sur le marché allemand fait entrer en scène toute la puissance des agrariens pour l'exécution du Mitteleuropa. La puissance des agrariens hongrois est cependant connue. C'est dans leur immense

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appétit qu’il faut chercher même la cause du cataclysme actuel. Sous la pression des agrariens austro-hongrois éclata en 1906 la guerre douanière entre la Serbie et la Monarchie. Les entraves apportées ultérieurement au progrès de la Serbie sont dûs à l'influence des agrariens hongrois, auxquels il faut ajouter aussi leurs collègues autrichiens. Le comte Tizsa, celui qui a rédigé l’ultimatum à la Serbie, est issu des milieux agrariens.

L'influence des agrariens hongrois se manifeste aussi dans la création du nouveau parti politique hongrois dont le président du Conseil Wekerlé est le chef. Ce nouveau parti s'inscrit à la tête de son programme la nécessité et le devoir de conclure l’union douanière avec l'Allemagne qui sera une arme défensive en même temps qu'offensive.

Les Impériaux avec le bienveillant concours de la Russie léninisée s'apprêtent à réaliser leur formidable plan, jetant en

même temps les germes de guerres futu-

res. Le traité de paix avec l'Ukraine, stipulant que ce pays ne jouira pas, par rapport

aux Impériaux, de la clause de la nation la.

plus favorisée, révélé devant tout le monde les véritables desseins germaniques. Et dire qu'il y a des politiciens sérieux qui comptent sur une séparation volontaire de l'Autriche d'avec l'Allemagne et qui basent sur cette rupture espérée leur politique de paix !

Effort financier et économique de la Serbie

en 1912-13 et jusqu’à la catastrophe de 1915 par Kosta STOYANOVITCH, ancien Ministre du Commerce serbe

La première partie de cet article sera consacrée aux dépenses nationales et à celles de L'Etat au cours des guerres de 1912-15.

La guerre avait commencé au miois de seplesbre 1912 et fut terminée vers Ia fin de 1913.

La Serbie est entrée en guerre avec une arméë de 250.000 combattants au sens propre du mot,

et de 350.000 mnon-combattants (services auxilaures, etc.) On avait donc mobilisé 600.000

hommes, ce qui portait un double préjudice à l'économie du pays. Les frais d'entretien de cette armée, combattants et services auxiliaires, montaient à un million de francs par Jour. Il en ressort que l'entrelien de cette armée coûte proportismnellement ideux fois plus qu’en temps de paix, Ces frais comprennent: amorlissément nécessaire à l'entretien des armées, les munitions dépensées, l'entretien du bétail à l'usage de l'armée et les dépenses pour les aulres services de Padministration d'Etat. Les ‘dépenses annuelles d'ondre purement financier atteignent, d'après ce que mous venons de dire, la somme de 360.000.600 de francs.

Le second préjudice causé à l'économie üu pays fut le déficit dans la main-d'œuvre natio“ele mobilisée par la guerre. Par la mobilisation de 600.000 hiommes appartenant à l'agriculture, au commerce, à l'industrie, aux métiers, etc, la production du pays avait diminué de keux cinquièmes. La production brute dé Ja Serbie à la veille des guerres de 1912-13 a été évaluée À un milliard de francs environ; penr dint Îles deux premières guerres, elle était à paime de 600.000.000 de francs. Avec celte pro duction, lon devait done nourrir l'armée du front et Ées services auxiliaires de l'arrière, ce qu'on avait d'ailleurs réussi avec les prêts et les fourmitures de l'étranger, lesquels furent, tout de

Enfin M. Andonovitch a eu le grand mérite de dénoncer |servir d'avertissement pour que les Magyars et les Alle-

l'attitude récente de la Bulgarie vis-à-vis de la Macédoine. |mands d'Autriche soient réunis intimement et sincère

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suite après la guerre, liquidés partiellement par des emprunts.

Un pays essentiellement agricole supporte difficilement la guerre qui paralyse presque ‘otalement l'économie nationale. La circulation dans l'intérieur et les échanges avec l'étranger commencent à diminuer, sinon à s'arrêter complèlement. Les revenus de JEtat provenant du travail, ‘du sol et des impôts directs, tarissent lou à fait; il ne reste que les impôts indirects sur les articles monopolisés qui rapportent à l'Etat. Les revenus des chemins de fer et des autres inslitutions économiques tarissent aussi Notre budget qui fut de 130.000.000 de franes à la veille des guerres, me put être couvert que pour la moitié -en-'année-de-guerre. 1912-15... L'exportation fut réduite à zéro; l'importation avait doublé à cause de celle du matériel {le guerre et aussi des matières alimentaires, lesquelles, par défaut «des moyens de transport et d’administratien, ne furent pas suffisantes pour répondre aux besoins de la guerre.

Le déficit dans l'économie ‘du pays provenait du manque de main-d'œuvre aussi bien que du manque des bêtes dé trait engagées dans la guerre et qui occupent la seconde place dans les œichesses rurales de motre pays. La guerre faite dans de telles conditions, sans grands capitaux mi grandes réserves qui pourraient produire et fournir les ressources les plus imporlantes pour soutenir la guerre, est une ruine certaine pour les pays dans le genre du nôtre, surtout lorsqu'il s'agit d'une guerre d'une longue durée, Pour soutenir une guerre comme celle de 1912-13, les revenus d'une période de cinq, à dix ans au micins sont nécessaires pour remettre le pays dans l'état où il se trouvait, avant la guerre.

Les guerres de 1912-13 ont coûté, en comptant les pertes à 20 %, y compris les pertes résultant des épidémies, 120.000 hommes appartenant à nos meilleures forces. Si nous prenons pour critère des forces humaines la moitié de celui qui est adopté dans l'Europe occidentale, il en résulte que le capital national a subi une diminution matérielle de plus d'un milliard. Tous

les frais de guerre ont été couverts par un €em-,

prunt de 250.000.000 de francs; le même montant fut nécessaire pour les nouveaux équipements de l'armée. La perlo financière totale fut par conséquent de 500.000.000 de francs. Le même déficit s’est produit «ans la production nationale pendant la guerre : les pertes en bétail, ans le commerce, dans la circulation des biens, “lanis le pays et dans les relations du pays avec l'étranger. C'est seulement pour l'année 1914 que la Serbie avait pris les mesures de réparations les plus nécessaires, On ne projetait pas d'innovations, on. ne voulait que mettre en ordre ou réparer ce que la guerre avait déplacé ou ravagé: ainsi les pensicns pour les invalides, le rétablissement des forces économiques et militaires, la reconstitution: des moyens de transport :usés où détruits. Dans és fépartements nouvellement acquis, nous n'aviens entrepris que d'installer l'administration nécessaire, La seule innovation, outre les dépenses peur l'administration dans les nouveaux üépartéments fut l'agrandissement de l'amortissement de nos dettes publiques qui avaient sensiblement augmenté à la suite des guerres. La condition, presque unique de notre rétablssement fut d'élargir notre territoire national et d'obtenir un accès sur les mers d'Egée ou Adriatique pour pouvoir se débarrasser ainsi d’une atmosphère étouffante et de la pression de l'Autriche-Hongrie qui entravait la vie nationale de la Serbie, Les iniliatives privées, les réformes d'Etat, les concessions pour ranimer l'industrie, l'agriculture et le commerce furent prévues. Mais le temps fut trop court pour tout cela. La grande guerre actuelle n’a fait qu'alourdir le farkieau existant, et elle avait temporairement aboli la vie indépendante ile la Serbie. ;

La période qui va de la fin «des guerres de 1912-13 jusqu'au mois de juillet 1914, quand la Serbie se vit entraînée dans la guerre, ne fut pas même d’une année. Il est par conséquent clair que motre économie nationale ne pouvait pas se remettre, que les vides dans noire armée ne pouvaient être comblés, de même que les nouveaux départements ne purent répondre à ce qu'on aurait eu le droit d'attendre d'eux après une période de cinq à dix ans.

En entrant dans la grande guerre acluelle, la Serbie avait mobilisé 300.000 combattnts et 400.000 pour les services auxiliaires.

Les chemins de fer, l'exportation, les moissons, tout fut arrêté par la guerre et par le fait que les contrées du Nord, la Save et lé Danube, les plus fertiles de la Serbie, furent le théâtre des opérations militaires. -Les services - auxiliaires avaient atteint les contrées infécondes, de même qu'ils avaient pris les hommes des nouveaux départements, lesquels, en ce qui concerne les forces économiques, sont bien inférieurs À ceux de la Serbie du Nord. La production du pays a dû maturellement s'abaisser de deux tiers et même plus encore au cours de la guerre Jusqu'à la catastrophe de 1915 et elle ne put plus se rélever. La paralysie de toutes les forces économiques fut presque complète depuis la guerre européenne jusqu'à l'évacuation de 1915. Cela explique pourquoi nous avions des embarras dans le ravitaillement de l'armée et de a population, et pourquoi mous fûmes obligés d'importer la farine, le maïs, ete. de l'étranger. Ce n'est pas seulement le défaut des moyens de transport qui en fut la cause, d’ailleurs, bien que ce fut une des causes.

Si nous n'avions eu de secours de l'étranger, mous aurions fléchi déjà au mois de septembre 1914 Les revenus de l'Etat n'étaient pas même de cinq à six millions par mois, tandis

que les dépenses atteignaient, certains mois, quarante millions. Sans compter l'équipement de guerre et autres fournitures pour l'entretien de l'armée, mos emprunts que les Alliés accordèrent à différentes reprises ont dépassé jusqu'à 1915, un demi-milliard ‘de francs.

Pendant cette pèriode d’une année, notra écomomie nationale a accusé un déficit de 700.000.000 de franes. Le gain qu'a pu faire notre agricuiture consistait en la vente de Ses produits aux prix très élevés dans le pays et non pas à l'étrankger. Sans compter les pertes sur le front, les morts, dont le nombre fut surtout élevé pendant les batailles de juillet jusqu'à la fin de l'année 1914, nous avions perdu un grand nombre d'habitants à la suite des épidémies qui ont anéanti 300.000 existences. Le calme, qui régnait sur le front serbe après les victoires de 1914 jusqu'en 1915, moment où nous fûmes attaqués par les Austro-Allemands et Bulgares, fut d’une trop courte durée pour permettre à la Serbie, défendant deux fronts, la Save et 1e Danube, de se rétablir si peu que ce fût après les batailles! de 1914.

A la veille de la catastrophe de la Serbid, nos pertes en hommes. et dans l'économie natiot nale furent très élevées. Notre effort avait atteint ses deinières limites, la Serbie n'était plus capable de faire front à (des attaques plus faibles que ne le furent celles des Austro-Allemands et des Bulgares combinées. Bien que ce ne soit pas ici le lieu de chercher les causes de noire chute pi brusquée, nous nous arrêlerons, pour faire au moins un cours inventaire des ressources ÉéConomiques et militaires que la Serbie avait laissées à l’erinemi en abandonnant le pays. Cela est nécessaire pour ceux qui veulent la paix sans annexion! niindemnités.

Une conférence du comte Voïnoviich

M. le comte L, de Voïnovitch a fait jeudi, 17giévrier, à Paris, à l'Hôtel des Sociétés SaVähites, 28, rue Serpente, dans la série organisée par M. le docteur Chervin: « La France devant les problèmes européens », une brillante conférence sur «les titres d'ancienneté du mouvement unitaire serbe ». M. de Voïnovitch est un historien qui possède admirablement l’histoire des Yougo-Slaves et particulièrement celle de son pays natal, la Dalmatie En même temps que le livre, si actuel et si complet, dont on signalait l’autre jour l'apparition et qu’il a consacré à cette province, il vient de publier un ouvragé: «la Monarchie française dans l’Adriatique » (chez Blaud), qui montre la politique de nos rois pra-

‘tiquant déjà, à l'égard des Slaves, celle

ua affirmée Napoléon par la création de Royaume d’Illyrie. Il est opportun de rappeler ‘cela en ce moment. Il n’y a rien de plus opportun que d'exposer, comme a su le faire M. de Voiïnovitch, les titres historiques des peuples yougoslaves à l'unité depuis leurs origines jusqu'à la guerre actuelle. Sa conférence, remarquablement vivante, pleine de rapprochement et d’aperçus ingénieux, a été écoutée avec un intérêt passionné et constamment applaudie. P.<Q:

Perires NouveLLes

Notre rédacteur en chef, M. le Dr Markovitch, étant parti pour Rome, le journal sera rédigé en son absence par M Michel-D. Marincovitch, avocat de Belgrade, rédacteur à la « Serbie ».

TOMBÉS AU CHAMP D'HONNEUR

Ainsi le gouvernement bulgare, en 1897, sous le ministère de Stoilof, s'était entendu avec l’Autriche-Hongrie, faisant ban marché des prétentions bulgares sur la Macédoine x l’ouest du Vardar, au prix d'éventuelles acquisitions territoriales en Serbie orientale, ce qui prouve excellemment que les Bulgares ont toujours considéré la Macédoine comme l’objet de Wrafic possible et de transactions

politiques.

La phalange germano-magyare contre les olaves

Dans le «Pester Lloyd» du 2 février, le professeur Edouard von Wertheimer, bien connu pour ses études historiques et plus particulièrenzent par son ouvrage sur Andrassy et son temps, consacre un article à la littérature de guerre française qui s’occupe de la Hongrie.

Après avoir critiqué les livres suivants: Dubosc: « La Hongrie d'hier et de demain »: Ernest Denis : « La question d'Autriche et les Slovaques »; Arthur Chervin: « L’Autriche et la Hongrie de demain »; Adrien Bertrand: « La Conquête de l’Autriche-Hongrie »; Beck: « La responsabilité de la Hongrie. »; Pierre Bertrand: « L’Autriche et a grande guerre »; et André Chéradame: « Le plan pangermanique démasqué », il termine par la conclusion suivante : oi

« D’après tout ce qui vient d’être dit, il apparaît comme complètement superflu de rappeler les mots pleins de haine: « Les Magyars et les Autrichiens — par ceci il faut entendre les Allemands d'Autriche — doivent être séparés les uns des autres et affaiblis. » Ces paroles doivent nous

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ment les uns aux autres afin d'imposer à leurs ennemis slaves une phalange inébranlable. La politique de Deak et d'Andrassy qui considéraient les Magyars et les Allemanids d'Autriche comme constituant les deux éléments conservateurs de l'état de la monarchie, est encore tout aussi vraie que lorsque @es deux hommes d'Etat la formulaient. S'écarter de cette route ferait courir les plus grands dangers à la monarchie. »

TL:

LES VOILA ! SONNET

Le Droit avait d’abord enchaîné la Victoire Mais le flot plus puissant de l’infâme agresseur Eux la Force pour lui Devant l’envahisseur Les Serbes malheureux fuirent leur territoire.

La France vint trop lard; mais ce cruel déboire N'’accabla point le roi qui, fier dans son malheur, Partagea des soldats les périls, la douleur, Espérant malgré tout un avenir de gloire.

Les Serbes recueillis, l’âme toujours vibrante, Refirent sans tarder leur légion puissante, : Défiant à nouveau le moderne Atlila

Sous le regard ami de notre République, Ils ont quitté Corfou pour gagner Salonique. Aux Bulgares surpris, ils clament: «Nous voilà!»

æ E. 'BEROUX.

Les pertes serbes en artistes, savants et hommes de lettres

C'est la sixième année que la petite Serbie se trouve en guerre. Les pertes sont devenues presque légendaires et ont frappé tout le pays, toutes les classes De. Les intellectuels ont pryé, eux aussi, leur tribut à la (Patrie. Nous donnons ici une liste sommaire des artistes, hommes de lettres où savants qui ont sacrifié leurs vies À la Patrie: : I — ARTS ET LETTRES Nicolas Antoula professeur, critique liltéraire et collaborateur au « Srpski Knizevni Glasnik », capilaine de cavalerie (1917); Békovitch-Sluka, artiste auw National de Belgrade (1915); | Dragolyoub Boukvitch, instituteur, collaborateur à da « Mala Srbadiya », capitaine d'infanterie (1915); Mes

Yovan, Varaguitch, étudiant, poète, collaborateur aux « Bossanska Vila » et « Srpski Knizevni Glasmik (1915): |

Miodrag Théâtre

{[Miloche Vidakovitch!, étudiant, poàle, collaborateur

aux « Bossanska Vila » et « Srpski Knizevni Glasnik » (41915);

Miodrag Vitkovitch, poète, collaborateur au « Délo», lieutenant d'infanterie (1915);

Voukota Gagovitch, instituteur, ee collaborateur À la « Bossanska Vila » (1916);

Zarko Lazarévitch, poète et auteur dramatique, collaborateur au « Délos et à la « Bossanska Vila », volontaire.

(A suivre).