La Serbie

me Année. — No 28

RÉDACTION et ADMINISTRATION &, rue du XXXI Décembre - Genève Téléphone 14.065

s Prix du Numéro : 10 Centimes :

Genève, Samedi 3 Août 1918

JOURNAL POLITIQUE HEBDOMADAIRE

Paraissant tous les Samedis

Rédacteur en chef :

a Bulgarie et le point de vue serbe

Vain would be victory if the German leaders should go unhung or unshot.…..

Le changement dé ministère à Sofia a remis à l'ordre du jour l'hypothèse d'une volte-face générale, dans la politique de la Bulgarie. Au point de vue pratique, il est entendu que la Bulgarie ne se séparera jamais de l'Allemagne, et que toute discussion là-dessus serait superflue. Mais puisque dans certains milieux on s'obstine à calculer avec une nouvelle trahison bulgare, il nous semble utile de préciser le point de vue serbe. Les avantages matériels d'une rupture germano-bulgare seraient appréciables, mais le côté moral de la question se presente d'une façon très délicate. Si nous faisons abstraction de la Grèce, il y a à examiner la répercussion d'un tel événement sur la Roumanie et la Serbie, ces deux Etats ayant été attaqués par la Bulgarie, sans aucune provocation ét au moment où elles faisaient des offres très avantageuses à ces Bulgares mêmes en vue de les déterminer à marcher contre les Turcs et les Austro-Allemands. Le cas bulgare par rapport à la Serbie est aggravé encore par deux circonstances particulières ; d’abord, les Bulgares sé trouvent en état de récidive, l'attaque de 1915 étant une nouvelle édition de celle de 1913. Ensuite, les Bulgares ne se sont pas contentés d'envahir les territoires serbes. Ils se sont mis à assassiner systématiquement tout ce qui est serbe, et dans cette rage de ‘destruction et de dénationalisation, on n'a reculé ni devant le ridicule, ni devant le monstrueux. Les Bulgares se sont rendus ridicules en proclamant que non seulement la Serbie du Sud, la vieille Serbie, ou la Macédoine, était bulgare — une affirmation quelque peu soutenable vu la propagande laborieuse ét habile des nombreux agents bulgares — mais que toute la Serbie orientale, jusqu’à la Morava, était un pays bulgare, habité par des Bulgares! Ce. qui est cependant plus important, c'est qu'ils ont commis des monstruosités en voulant tuer non seulement le nom, mais l'âme de la population serbe dans les régions occupées. Un retour pur et simple au statu quo ante parait donc une impossibilité morale.

La « New Europe » disait l'autre jour que la Grande-Bretagne ne sera guidée dans l'arrangement des Balkans ni par le sentiment, ni par le ressentiment. La justice pour tous. Cette formule ne touche pas la question principale et

- préjudicielle, celle des responsabilités. On en peut dire autant de l'opinion de certains cercles américains, qui admettent que la réalisation de ses aspirations yougoslaves pourrait déterminer la Serbie à céder à la Bulgarie de vastes territoires en Macédoine. En 1915, on pouvait envisager la question d'un tel point de vue; en 1918, le problème se pose de façon différente. Il ne s'agit plus de racheter une intervention, mais de déterminer le mode de réparation pour un crime déjà consommé...Le-seul fait du repentir n'absout pas le crime*commis. « Il n'y a pas de législation qui assure l'impunité aux voleurs par la seule restitution des produits de leur vol », disait M. Louis Barthou, faisant allusion à la Bulgarie, dans sa lettre du ler septembre 1916, adressée au « Journal des Débats »: Cette vérité conserve toujours sa valeur et elle indique la voie à suivre dans la solution du problème bulgare, à la condition, bien entendu, que les Bulgares fournissent des preuves de leur repentir. Le Droit pénal international recherche, lui aussi, les vrais coupables. Les sanctions réclamées par la Serbie ne doivent pas nécessairement frapper le peuple bulgare. Elles ne s'appliqueront qu'aux vrais coupables.

e : k XX

En 1912, la Serbie a dü sacrifier à l'idée de

la solidarité balkanique une partie importante de l’ancien Empire serbe. Les déceptions de

= germanique contre la liberté du monde;

Lettre de-M. Richard-H. Edmonds, editor ol the « Mannfacturer’s Record », dans le € Times » du 4 juillet.

1807: 1905 et 1908 n'avaient pas détruit chez

nous l'espoir de voir la Bulgarie revenir à ellemême. On lui a facilité la conversion par les larges concessions qui devaient la décider à pratiquer une politique balkanique et bulgare. Les événements de 1912-13 ont de nouveau démontré que la Bulgarie n'abandonnait pas ses buts particuliers et qu'elle tenait à servir l'Allemagne. En 1915, une dernière tentative a été faite, mais elle fut inutile elle aussi. Volontairement et délibérément la Bulgarie avait pris parti pour l'Allemagne, en se jetant dans le dos de la Serbie. « Personne ne nous menaçait, et personne ne nous forçait à la lutte », écrit M. Guéchoff dans le « Mir» du 3 juillet 1918. On sait ce qui s'en suivit, et l'on connait la tragédie de la retraite serbe. retraite hétoïque imposée par l'attaque bulgare. Où est l’homme qui pourrait en présence de ces faits, revenir tout simplement à l'état de choses de 1915 ? Où estl’homme qui oserait en présence de la Belgique violée, songer à une paix avec l'Allemagne ne comportant pas des sanctions et dés réparations nécessaires? Quel est l'homme d'Etat qui couvrirait le crime bulgare par un pardon sans conditions ?

Le point de vue serbe dans la question bulgare n'est pas d'ordre territorial. Les paroles de Lord Northcliffe que les Alliés ‘perdraient tous leurs droits de se considérer comme les champions de la liberté humaine, s'ils ne soùtenaient pas la Serbie, s'ils ne veillaient pas à ce que justice lui fût faite » — sont tout notre programme. D'abord la punition du massacre des Serbes, des horreurs commises en Serbie, et ensuite l’arrangement matériel. C'est la condition primordiale de tout accord avec la Bulgarie. Sur ce point là tous les Serbes sont unanimes,

L. M.

Un hommage serbe à la France

M. Pachitch, président du Conseil de Serkie, a adressé la dépéche suivante à M. Clemenceau, présilent : du : Conseil français :

«Il y a juste quatre ans que l'Autriche-Hongrie, après son fameux ultimatum, nous déclara la guerre et commença ainsi une lutte sanglante avec l'intention d'enchatner la liberté, de fouler aux pieds le droil et d'imposer, de concert avec l'Allemagne el ses autres complices, au reste du monde le régime de l'esclavage et du militarisme prussien. ,

Malgré les sacrifices ihouïs qu'elle a déposés sur l'autel des idées libératrices de tous les peuples civilisés, et surloul des Français qui en ce moment même, Paris, contre l'invasion des barbares, la nation serbe est aujourd'hui de même qu'il y a quatre ans, pleine de l'espoir que le régime de la liberté sera rétabli et que bientôt apparaïtront les joùrs sublimes de la délivrance de tous les peuples.

Le peuple serbe, qui répand aujourd'hui son sang avec ses frères yougoslaves sur tous les fronts du théâtre mondial de la guerre, se souvenant, en ce triste anniversaire de l'attaque et-dans l'attente de sa délivrance et de son entrée dans la nouvelle Société des nations, s'incline devant les mûnes des inoubliables héros qui ont fait le sacrifice de leur vie pour ces grandes idées, clame par votre entremise aux vivants de continuer la lutte par la libération du monde de la tyrannie germanique el vous prie la France la profonde admiration qu'il

d'exprimer à loute 1 “aits accomplis par ses héroïques fils».

ressent pour les hauts f

Déclarations de M. Balfour sur la Serbie

Nous publierons dans le numéro prochain le texte complet du discours prononcé par M. Balfour, ministre des affaires étrangères britanniques, le 25 juillet, à la réunion inaugurale du Comité National Serbe ( Yougoslave) à Mansion House. Par cette déclaration M. Balfour a reconnu officiellement les aspirations yougoslaves vers la libertés et l'indépendance.

Dr Lazare MaRCOVITCH, professeur à l'Univ

ersité de B

=. s EME NRP RNCS AE VUS

Advance Bulgaria !

elgrade

Suisse... 6 fr. — par un

ABONNEMENT) de

Autres pays. Or. — »

L'« Echo de Bulgarie » «& publié l'autre jour la lettre d’un lieutenant anylais 1.- W. Greenstreet, des fusiliers irlandais, actuellement prisénier de guerre & Sofia.et que l’on dit être p? Yéssevr de littérature à l'Université de Londrs. On, le, professeur-prisonnier jouit du privilège de pouvoir visiter « l'exposition artistique de la première armée bulgare à Sofia ». Îlu jugé utile de communiquer au publie ses impressions el ses appréciations, qui sont très flatteuses pour l'art de querre bulgare. « The pictures portraying the accidents and incidents of a soldier’s life were good indeed showing knowdedge and kill. Though often the full ski of the artist was unexpressed by reason of aurried execution.» — les tableaux représentant les accidents et les incidents de la vie des soldats sont en effet très bien, montrant le savoir et l'habileté, quoique le talent de certains artistes n'arrive pas souvent à sa pleine expression, par suite d'une exécution précipilée ». El le critique anglais termine ses louanges par une exclamatlion enthousiaste: Advance Bulgaria ! — En avant, Balgarie!}.— exclamation un pe vague, parce.qu'on ne saisit pas précisément dans quelle direction’ ce gentlemen voudrait voir avancér les Bulgares: dans la direction de Salonique, contre l’armée anglaise, dans le sens d'un développement plus expressif de l’art bulgare, ou bien, ce qui ect le plus probable, dans le raffinement des procédés qui caractérisent la façon bulgare de faire la guerre.

Nous ne pourons pas savoir ce que les peintres

ka mort de Nicolas Il

L'empereur de toutes les Russie vient d'être exécuté par une bande d'irresponsables n'ayant nullement le droit de parle et d'agir au mom du peuple russe. Mais l'empereur Nicolas se trouvait dans Jeurs mains, et on l'a fusillé d'une taçon plutôt répugnamte. Les gens qui ont vendu la Russia à l'Allemagne et qui ne se maintiennent au pouvoir que par la force et par les faveurs allemandes sont si peu qualifiés pour Julgæ l'ex-isar, que Jeur acte porte plutôt la marque d'un, meurtre vulgaire.

Malgré toutes les fautes comimises par l'empereur Nicolas, sa mort tragique est. accueillie cans les milieux serbes avec un sentiment de compassion profonde. L'ex-isar a 66 ‘un ami du peuple serbe, @t s'il n'y avait rien d'autre, son intervention personnelle en faveur de la Serbie, sa promesse sincère @t amicale, de fpriotéger le peuple serbe contre la préméditation @l l'agression, autrichiennes lui vaudraient notre gralitude éternelle. Au moment le plus, critique (le l'axistenca du peuple serbe, Le 14-27 Jjuilld 1914, l'empereur Nicolas télégraphiait à S. A. Royale le prince Alexandre de Serbie ces paroles historiques : «Votre Altesse Royale en, s'adressant à moi dans ‘un moment particulièrement difficile, ne-s'est pas trompée sur ma Sympathie cordiale pour le peuple serbe. Votre: Altesse peut êtra assurée qu'en aucun cas la Russie ne 5e désintéressera du sort de la Serbie» On pait ce qui est arrivé. Au dernier moment, l'empereur Nicolas conjurait le Kaiser d'accepter l'arbitrage, mais Berlin refusa. Et ce fut la guerre, une guerre sanglante dont Ia résponsabilité ne relotibe:-passsure Nicolas lt eme

En. Russie, certains cercles démocratiques en. voulaient à la Serbie pour som attachement à la Russie officielle, à la Cour, à l'autocratie, Mais pouvait-on. faire autrement? La Serbie n'avait qu'une polilfique, la politique de la liberté, de Ja solidarité slave, ‘une politique anti-germanique par excellence. Elle cherchait un, appui en Russie et s'adressait là où cet appui pouvait être gbtenu. Un pays ultra-démiocratique comme le nôtre aurait salué avec la plus grande Joie une démocratisation de la Russie, mais avant d'y penser, il devait se prémunir contre son propre esclavage, contre Ja menace ausiro-germano-magayare. Nous ne pouvions pas faire comme les Bulgares qui oscillaient ‘entre l'Autriche et la “Russie, et dont Jes hommes politiques s'étaient partagé les rôles aussi par rapport aux affaires intérieures russes. Les uns tournaient autour de la Cour Impériale, les autres cherchaient un contact avec les milieux démocratiques. Mais tandis que les Serbes aimaient et respectaient la. Russie. et étaient prêts à la secourir dans la mesure de Jeurs forces, les Bulgares ne voyaient dans leur libératrice qu'une vache à lait, qu'il fallait exploiter jusqu'aux dernières limites. Ainsi

_s'expliqua la différence des sentiments éprouvés

$

bulgares ont choisi comme sujets des tableaux qui ont tellement enthousiasmé le professeur Greenstreel. Ce que nous n'ignorons pas cependant; -ceexsont.les procédés inqualifiables par lesquels les militaires bulgares se sont toujours distingués, dans toutes les guerres, et surtout dans la guerre actuelle. Il n’y a pas longtemps que le journal croate, les («Primorske Novine » de Fiume, racontait, tout indigné, comment les soldats bulgares passaient leur temps en Serbie occupée: «À Pétrovats, par exemple, c'est une chose des plus ordinaires, que les gendarmes bulgares organisent tard dans la nuit, dans les prisons, les sanglantes séances de bastonnade à coups de bâton et de crosses. Cerlaines nuils, des disaines d'hommes, de femmes et de jeunes filles furent sortis de la géûle pour être assommés et abattus tout près des prisons. Ceux qui restèrent dans la prison entendaient lescris et les hurlements,se mouraient d'horreur en altendarit que leur tour vint. D'autres, les Bulgares les décapitèrent pour jouer au football avec leurs têtes et quand elles se heurtaient, les Bulgarés ériaient : « Embrassez-vous, Serbes » (en y ajoutant une injure intraduisible en français ». Réd.).

Cela nous laisse supposer. .que parmi les tableaux représentant les incidents de guerre bulgares se trouve sans doute le (football » bulgare, et que c’est précisément cette scène de spôrt demi-asiatique et demi-sadique qui a émerveillé le courageux Irlandais, au point de le faire s'écrier : En avant, Bulgarie!

par les Serbes ou par les Bulgares, À la mouvelle de, la ‘mort de leur protecteur. commun. es Serbes ne manqueront pas de prier pour le repos de l'eéx-lsar, qui à été quelques fois injuste envers eux, mais qui élait leur bienfaiteur, Les Bulgares, au dire du ministre Madjaroff (voir Ja « Vossische Zeitung» du 12 juillet) s'apprêtent à tiger au Kaiser un monument beaucoup plus grand que celui du tsar libérateur à Sofia! R.

Dix questions indiscrètes à mes amis bulgares

Mon article sur la Dobroudja paru dans la « Tribune de Genève » du 26 juin me vaut une attaque d’un Bulgare qui proteste contre ce lerme de « propagande bulgare » appliqué par moi « à n'importe quel Bulgare » qui envoie sa prose aux journaux.

Je ferai remarquer. que ce terme de propagande se rapportait à l’action entreprise en Suisse par MM. Ischirkoff, Rados.lavoir, Jvanoff, Mileff, Micheff, Markoff, Skopiansky, etc, en vue de démontrer ce qu'ils appellent les « droits de la Buigarie » sur toute la Dobroudja, la moitié de la Serbie, le tiers de la Grèce et presque, toute la Turquie d'Europe.

On sait d’ailleurs que le Consulat de Bulgarie à Genève n’a point pour but « de renseigner l’opinion suisse induite en erreur par des propagandistes neutres. serbes, grecs et roumains! »

Si ce Bulgare pouvait me donner des réponses précises et édifiantes aux quelques questions que je me permettrai de

| lui poser el avec lui à tous ees. messieurs

bulgares qui, depuis quelques mois, hantent notre pays, je ferai amende honorable, je serai le premier à déclärer que je me suis trompé el qu'il mest guère question de propagande bulgare en Suisse :

1o Comment expliquer la présence en Suisse de Lous ces professeurs bulgares, encore en âge de servir, alors que leur pays est en guerre?

20 Quels sont leurs appointements de professeurs €t combien perdent-ils. au change? Ceux qui ne sont pas professeuns et ne possèdent aucune fortune connue, ni en Suisse ni en Bulgarie, de quoi vivent-ils ?

3o Qui a supporté les frais considérables ac lédition de l'Atlas de feu M. RiZOfT? 49 Qui a soldé la somme de mille francs acauittée à la « Berner Tagblatt » pour courvriv les frais d'impression du supplément publié par ce journal en février uernier et ccensscré exclusivement à Ja Dsbrouaja? ne