La Serbie

Use Année. — No 2

RÉDACTION et ADMINISTRATION @, re du XXXI Décernbre - Genève Téiéphone 14.0

JOURNAL POLIT

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Paraissant tous les Lundis

Rédacteur en chef :

LE 2er

L'accueil triomphal et sans précédent qu'on a, fait à M. Wilson à Rome, serait de na- ture à éblouir tout autre que le président des - Etats-Unis dont la supériorité se manifeste à chaque occasion. _ Sans se départir du rôle d’arbitre adopté au 4ébutdu conflit, M. Wilson ne prend jamais d'au_ tre allure que celle du premier citoyen de son . pays et c'est comme tel qu’il parle aux peu.… ples et à leurs chefs. Quant à l'autorité de sa parole, il la doit beaucoup plus à son extrême souci de la vérité qu’à la position qu'il occupe comme chef d'une des plus puissantes républiques de la terre. . Lorsqu'il prend la parole à Rome ou ailleurs, on constate toujours chez lui la même * préoccupation : celle de ne pas faillir à sa _ conscience. Aucune amitié, ni flatterie faite à ‘son amour-propre personnel ne lui font oublier, même pour un instant, son devoir et sa haute mission. Lorsqu'il parla au Quirinal, comme à Montecitorio, il rappela de façon discrète aux hommes d'Etat italiens qu'ils étaient allés trop loin dans leurs revendications. Amicus Plato .sed magis amica veritas. Avec beaucoup de tact, sur un ton empreint de cordialité intime, il leur dit certaines vérités simples sur le sens desquelles il est impossible de se méprendre. Tandis que le souverain italien s'exprima, en cette occurence, comme s'il était encore l’allié de la Triplice, discourant au sujet des frontières conquises par l'Italie, « qui seules pouront lui assurer l'indépendance », M. Wilson, lui, parla de la conscience et de l'esprit _ d'amitié qui, à l'avenir, devaient présider aux rapports entre les peuplés, lesquels, dorëas: | vant unis, avaient le devoir de collaborer en commun. Or, la première condition pour la réalisation de cet idéal auquel l'ltalie se donne l'air d’adhérer en principe est l'harmonie entre les nations victorieuses. À l'encontre des alliances pratiquées jusqu'ici, dont l'équilibre intérieur fut défectueux, car il reposait sur l'intérêt et la force brutale. M. Wilson entend former des alliances plus harmonieuses et, partant, plus durables, dont l'équilibre reposeait sur les forces morales : le sentiment de solidarité, d'équité et d'affection. M. Wilson envisage donc la formation d'une Société des Nations où tous les membres seraient loyaux et honnêtes, sans arrière-pensées et animés d'un même esprit d'amitié internationale. Or, - il sera bien difficile de concilier cette conception, inspirée par un esprit humanitaire, avec la conception que se font de cette Société M. Sonnino et ses adeptes, conception purement mercantile. | C'est précisément pour se faire mieux comÿ ne que M. Wilson s'est décidé à aller en * Jtalie prêcher personnellement sa théorie car, au moins chez les peuples ayant combattu pour la justice, il est en droit de compter trouver un terrain propice à la propagation de ses principes. Parmi les Alliés, c'est justement en ltalie que lé besoin de sa parole se faisait le plus sentir. Car, la veille même de son arnvée, le seul homme d'Etat italien qui acceptät les idées wilsoniennes avait quitté le pouvoir, La retraite de M. Bissolati démontre mieux que tout l’état d’esprit qui règne en ce moment dans la patrie de Mazzini. Nous tenons, d'une source digne de foi,

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une intéressante information au sujet du voyage de M. Wilson à Rome. Avant son altes

part pour l'Italie, de nombreuses personn politiques et autres sont venues à la gare sa luer le président et, parmi elles, se, trouvaient quelques journalistes alliés. L'un d'eux réussit à échanger quelques paroles avec lui. Îl attira l'attention de M. Wilson sur les obstacles que rencontrera la réalisation de ses principes en talie, en raison des visées impérialistes de celle-ci dans l’Adriatique. « J'ai bien approfondi le problème italo-slave, lui aurait repondu le président. Je viens de relire mes notes avant mon départ. J'ai COmPTIS les difficultés et les obstacles qui m'attendent, mais Je n entends rien abdiquer de mes convictions ». Ces paroles sont très caractéristiques €t se trouvent confirmées par l'attitude de M.Wilson pendant sa visite en Italie. Son entretien Ave°

: Bissolati, les allusions faites à l'exagérafon

des prétentions italiennes et à l'iñanité des arguments dont lesltaliens appuientleurs excessives prétentions; tout cela semble bien confirmer les propos rapportés plus haut. On a beaucoup craint, dans certains milieux, qu'en Îtalie on ne /réussit à surprendre la bonne foi du président Wilson. Cette appréhension ne se montre pas justifiée. À un esprit aussi avisé que l'est celui du président des Etats-Unis, il n'a pu échapper certains détails caractéristiques de la mentalité qui règne dans la capitale italienne et qui se trouve en contradiction flagrante avec celle qu'il voudrait faire prévaloir en Europe:

Aussi, malgré toutes les sympathies qu'il éprouve pour lltalie et le peuple itahen, M. Wilson n'a pu s'abstenir de parler à plusieurs reprises des erreurs de la politique de Consulta et de ses visées impérialistes. Ses allusions à la population d'origine et de langue italiennes habitant les Etats-Unis et que ceuxci entendent garder sous leur souveraineté, son allusion à l'indépendance des Etats balkaniques, tout cela démontre bien que M. Wilson a su profiter de l'occasion pour donner quelques leçons de politique aux amis italiens. Connaissant bien le caractère des Italiens pour l'avoir longtemps observé chez les émigrés des Etats-Unis, il se rend compte qu'il a à faire à un peuple d'artistes Comme ces derniers, les Italiens ne sont jamais tout à fait sincères. Leurs hommes d'Etat surtout, ont toujours fait du théâtre en matière politique, abusant des paroles et des gestes. Une année ne s'est-elle pas à peine écoulée depuis. les

| réceptions-solennelles de Campidoglio--où desmanifestations splendides —— semblables à |

celles par lesquelles on vient d'accueillir M. Wilson — furent organisées en l'honneur des représentants des nations opprimées. Les discours prononcés par ceux-ci furent salués par de frénétiques applaudissements. Ce furent alors les mêmes personnages politiques italiens qui jouèrent les premiers rôles. On sait quel fut l’épilogue des manifestations bruyantes de ces ( convertiti » italiens. L'Italie « libératrice » s'est empressée d'occuper le littoral habité par les Yougoslaves !

M. Wilson n'ignore pas cela. Il voit ce qui se passe non seulement sur la scène mais aussi derrière les coulisses. C'est pourquoi il a voulu devancer ses partenaires en leur montrant qu'il connaît bien leur jeu. Et il y a réussi.

M. D. Marincovitch.

Une protestation contre l'occupation italienne

Le meeting des Serbes, Croaies et Siovènes,

tenu à Berne, le 2 courant, à décidé :

1. d'envoyer un appel télégraphique au président Wälson, pour demander sou intervention dans le conflit ülalo-serbe;

9 de remercier les journalistes suisses «jui ont servi là cause de la jus‘ice et de l'humanité en défendant. les droits imprescript bles .de fa population yougoslave des rives de l'Adriatique, à une vie indépendante; 4

3 de faire appel à la presse suisse, la seule qui puisse en ce moment discuter librement le grave conflit qui vient d'éclater entre l'Italie et l'Etat sud-slave, pour qu'elle continue à comtribuer à l'établissement d'une paix juste dans ce coin de l'Europe où elle est présentement particulièrement menacée, en informant, [opinion publique mondiale de Ja situa ion terrible crée à la population sud-slave de l’Ad:ia'ique par un? loCCu: pation étrangère, — occupation accucile, d'ap ès faveu des Journaux jita iens eux-mêmes (« Corricre della Sera »), avec hos‘ilité — et qui a dsjà rovoqué de sanglants dsordres. Les : lavcs du Sud feront tout leur possible pour ‘éviter Ja guerre avec un pays à la victoire duquel ils ont contribué par leur sang versé, mais is ne permettront jamais que les sacrifices inouïs supportés par eux €t par ja Serbie pour abattre iohe, n'aient pour résultat que de faire passer leurs compatriotes d'un esclavage à un autre.

LE COMITÉ : Pavlovitch, président de lAssociation des étudiants sudslaves; Dr. Radossavliévitch / Serbie), Katchilch (Dalmatie), Heykiss (Slovénie! Guérassimoviteh { journaliste de Serbie). - : :

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D: Lazare MARCOVITCH,

=. M. Wilson à Rome

professeur à l'Université de Belgrade

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Genève, Lundi 12 Janvier 1919

Suisse... Sfr. — parun Autres pays. Ofr— »

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Le «salut» de la Bulgarie

La propagande bulgare a lancé ces jours dersiers La nouvelle que Sofia aurait demandé à ‘rague de vouloir bien servir d’intermédiaire ns une réeonciliation serbo-bulgare. Voici ce Mu ya de vrai danse nouvelle et quels «int les dessous de cette dernière manœuvre bulgare. Dans le journal bulgare Zaria un cerlxin Dr. Krsteff, a publié un article intitulé : Où est le salut? qui indique déjà par son titre le but poursuioi par l'auteur. M. le Dr. Krsteff écrit : KW Nous denons avouer à haute voix notre honte et notre culpabilité pour avoir le droit de parler de nos mérites, de notre dure luite avec lé criminelcouronné et des fautes del’Entente.…… Qui, c'est une honte pour nous que le peuple bulgare, au lieu de tourner ses armes contre éeux qui l’ont envoyé à l’abaitoir, les ditsuinis, sans protestation, comme des moutons, et ail sombatiu contre ceux à qui il devait sa reconnaissance, qui ont été disposés à satisfaire ses fustes aspirations el auxquels il demande aujourd'hut grâce et justice. » Le Dr. Krstefÿf cherche ensuite à prouver que la guerre « été #ngagée contre la volonté du peuple qui, non organisé et sous le coup de persécution, n'a pu se soulever. Il términe par un appel au peuple ct au gouvernement dans lequel il demande :

1.— Le ralliement sans conditions à l'Entente ;

2, — Le rétablissement immédiat des relarions avec les Etats slaves dé l’aneienne monarchie dualiste ;

3. — L'intervention amicale du gourernement ichéco-slovaqus auprès du gouvernement du royaume serbo-croata-slovène, en faveur d'une entente avec la Bulgarie et de la réunion ge ce pays AU royaume sudslave; sur le-pied

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Le discours

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4, - Une enquête parlementaire sur tous'les crimes militaires et civils de l’ancien gouvernement, commis sur le front et à l'arrière, ainsi que sur les crimes des autorités militaires ef nroiles anis ces cerritotres fe la Serbie Cccupée, en Macédoine et en Thrace ; et Le renooi de tous les coupables devant les conseils de guerre.

Un journaliste tchèque, M. Jaroslao Urban, qui s’est rendu de Sofia à Prague, par Zagreb, a complété les propositions de Krsteff en communiquant la déclaration suivante que lui a faite M. Danejf : « Dans la Yougoslavie nous pouvons saluer l'union cordiale de la grande nation slave. L'établissement de relations arntcales entre la Bulgarie et la Fougoslavie serait un gran& succès pour les Slaves balkaniques. Nous désirons que les Tehèques servent d'intermédiaires, si leur intervention aboutissait, on arriverait à une union étroite entre les deux pays, la Yougoslavie et — la Buigarie!» ( « Hrvatska Riétche » du 20 décembre 1918),

Nous répondrons dans notre prochain numéro à ces tentatives posihumes des Bulgares d'échapper à leur sort. Nous dirons cependant d'avance que les Bulgares se trompent lourdement s'ils s’imaginent réellement que le peuple serbe puisse avoir quoi que ce soit de commun avec eux. Le (Kslavisme» bulgare, nous ne le connaissons que trop bien. Le jeu est par trop transparent pour pouvoir réussir. Quant à M. Daneff, il a fait ses preuves à Budapest, en 1912, lorsqu'il conspirail avec T'isza contre la Serbie. Cet «apôtre» de la solidarité slave deorait plutôt aller à Ebenthal, chez son Ferdinand, au lieu de s'efforcer de s'appracher de Masaryfr. Fe

À

dé M. Pichon

La Chambre des députés française a consacré sa longue séance du 29 décembre dernier aux débats relatifs à la politique extérieure de la France. Les discours qu'ont prononcés MM. Pichon et Clemenceau méritent surtout d'être signalés. M. Clemenceau à exposé, AVEC Sa franchise habituelle, ses idées sur la politique internationale et les mesures que la France meurtrie doit prendre pour $e prémunir contre de nouveaux attentats contre son existence. M. Pichon, ministre des affaires étrangères, après avoir détendu et justifié la politique du gouvernement, a passé en revue toutes les questions importantes que la guerre et la victoire ont mises à l’ordre du jour

Il a rappelé en premier lieu la disparition de l’Autriche-Hongrie. L'idée dont le peuple serbe s’est fait depuis longtemps le défenseur sincère et intrépide et que nous avons interprétée ici-même, l'idée que l'existence de la Monarchie babsbourgeoise: était nuisible, triomphe aujourd'hui et ce n’est pas une petite satisfaction pour la Serbie d’avoir entendu le ministre des affaires étrangères français prononcer ces paroles : « L'Autriche a mérité sa destinée. Ne Ja piaignons pas, CEUX qui croyaient à l’ütilité de son existence comme contre-poids et qui comprennent aujourd'hui Ja vanité de cette conception, ne regrettent pas son -effrondrement ». En effet, l'Autriche avait trop souvent fait frémir le monde en faisant résonnerle sabre de Guillaume IT pour que quelqu'un püt pleurer sur Sa tombe. L’Autriche-Hongrie, ce dernier souvenir de l'époque féodale, n'a jamais voulu comprendre que son existence même était une anomalie, un outrage au siècle où nous vivons. Et au lieu d’être heureuse de pouvoir encore être comptée parmi les Etats vivants, telle qu’elle était, l'Autriche dont la voracité aveugle convenait aux visées pangermanistes en Orient, se proposait de nouvelles

conquêtes. Pendant les dernières dix années, elle ne faisait que chercher un prétexte pour provoquer la guerre que la Germanie jugeait indispensable à la réalisation de son rêve de domination mondiale. En 1908, lorsque l’Autriche, avec Ja complicité de la Bulgarie, attenta à l'intégrité du traité de Berlin et amputa le corps du peuple serbe par l'annexion de la Bosnie-Herzégovine, elle faillit mettre en flammes le monde entier, Grâce à l'intervention de la France et à l'esprit de sacrifice dont la Serbie s’inspira au nom des intérêls supérieurs, la paix fut quand même sauvegardée.

« En 1913, dit M. Pichon, l'empire des Habsbourg a tenté de profiter des difficultés balkaniques pour provoquer un nouveau conflit et c'était chose faite sans la volonté pacifique de l'Italie ». C'est avec la jalousie d'un poitrinaire mourant, que l'Autriche avait vu la jeune Serbie sortir glorieuse et florissante des guerres balkaniques. La Sérbie grande et admirable aux yeux de ses fils qui se trouvaient:sous le joug austromagyar, la Serhie, flambeau de la civilisation daus les Balkans, la Serbie, réfractaire augermanisme, devait disparaitre du chemin de la poussée germanique en Orient. L'attentat de Sarajévo en 1914, qui, selon la remarque très juste de M. Pichon, n’est pas eneure suffisamment éclairci, à fourni à l'Autriche l’occasion de provoquer la calamité qui dev'it engloutir la Serbie et établir l'empire mondial germanique. « Enfin l'Autriche, au cours de la présente

guerre, n'a cessé, dit M. Pichon, d'être Ja complice et l'alliée fidèle de l’Allemagne ».

M. Pichon a cru aussi utile de dissiper les illusions des démocrates et républicains tardifs de Budapest. Les manœuvres du comie Karolyi en vue de maintenir l’intégrité de l'Etat hongrois au prix de la liberté des autres peuples, ont échoué.