Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

90 LE PACTE DE FAMINE

Le Parlement de Rouen, tout en reconnaissant l'utilité de la liberté générale du commerce des grains et en protestant qu'il ne veut porter aucune atteinte aux édits et déclarations du Roi sur ce sujet, fait revivre la déclaration du 31 août 1699 et celle du 19 avril 1723, enjoignant aux laboureurs, fermiers, etc., de porter chaque semaine leurs grains aux halles et marchés voisins, défendant aux boulangers, bladiers, d'y mettre un prix au-dessus du courant. Le cri public disant que l'on enlevait des grains pour des provinces voisines, le Parlement va, contrairement à la loi, jusqu'à s'opposer à la libre circulation. Il amoncelle arrêts sur arrêts, règlements sur rêglements, prohibitions sur prohibitions. Le 20 juin 1768, le Roï le fait avertir, par son Conseil, des dangers d'une telle conduite. Le Parlement ne tient aucun compte de ces avertissements.

Les luttes perpétuelles entre les anciens marchands de grains privilégiés et les nouveaux vendeurs, — autorisés par la déclaration royale du 25 mai 1763, permettant à tout le monde de faire le commerce de grains; — les entraves qu'ils mettaient réciproquement à leur négoce, nuisaient au consommateur. Les boulangers compliquaient de leurs réclamations cette situation si embrouillée. De plus, en temps de disette, les grains de l'étranger, destinés à l’approvisionnement de Paris, arrivant par la Normandie, les prohibitions du Parlement de Rouen portaient un préjudice considérable à l'alimentation de la capitale.

Dans l’Orléanais, les résultats produits par la liberté illimitée du commerce des grains n'avaient pas non plus répondu aux espérances des économistes. Une très curieuse correspondance administrative de l'Intendant de cette province, publiée par M. J. Doinel, archiviste du département du Loiret , nous fait voir clairement en présence de quelles difficultés les administrateurs se trouvérent, par suite de l'application des arrêts de 1764. Cette correspondance confirme d'une facon absolue toutes les explications que nous avons données précédemment. Bien que tel n’ait pas été le but que s'était proposè M. J. Doinel en livrant à la publicité de top courts fragments de cette correspondance?, nous tenons à reconnaître que nous lui devons de nouvelles preuves de la non-existence du Pacte de famine.

1. République française des 49, 21 et 26 août 1884. 2. Nous espérons que M. J. Doïnel publiera un jour, intégralement, cette correspondance .