Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I 91

Nous ne nous arrêterons pas aux appréciations personnelles, qui prouvent, d'une facon évidente, que M. Doinel n’a pas suffisamment approfondi l’aride législation des grains et, qu’il n’a pas traité avec tout le soin désirable un sujet auquel il paraît assez étranger. Nous ne relèverons pas davantage ses imprécations contre l'Ancien règime, imprécations qui ne prouvent rien ; nous laisserons M. l’Archiviste du Loiret aux prises avec « le tyran du Parc aux Cerfs, » le « Pauvre Martyr, » Le Prévôt et la « Sainte Montagne, » et nous puiserons largement dans la correspondance particulière ‘ de Perrin de Cypierre, baron de Ghévilly, avec MM. de Laverdy, de SaintFlorentin, de Sartine, Trudaine de Montigny et d’'Aligre.

Il ressort évidemment de la correspondance de cet Intendant, qu’à l'abri de l'arrêt de 1764, de nombreux monopoleurs se livrèrent à leur triste industrie; qu'en présence de la nouvelle législation, l'administration ne pouvait les poursuivre, que M. de Cypierre, quoique partisan de la liberté, signala le danger et que le peuple affamé s’en prit à l'autorité comme cela arrive toujours.

Nous retrouvons ici la conduite habituelle des accapareurs : « Les monopoleurs achetaient le blè dans les greniers, quelquefois sur place ; les marchés manquaient d’approvisionnement, parce que le grain était enlevé dans les fermes. » Mais l’édit qui fut la cause de ces abus avait été provoqué par les demandes réitérées, furieuses, des adversaires du gouvernement, des économistes ef non, « par l'influence de certains agents du pouvoir absolu, » comme le croit M. J. Doinel ; cela n'a jamais été mis sérieusement en doute. C’est pour se conformer aux théories des physiocrates que « M. de Cypierre avait recu les instructions les plus formelles pour faire exécuter dans sa teneur absolue l'arrêt de 1764, » et cela prouve que le Gouvernement voulut essayer, de bonne foi, cette nouvelle législation. C’est parce que cette mesure était inopportune, que l'Intendant, « tout en essayant d’obtempérer à ces ordres, élait oblige, par les faits, de constater que cet édit, sous couleur de liberte de l'exportation, favorisait dans les marchés publics les manœuvres les plus criantes ?. »

1. Nous ne savons pourquoi M. Doinel donne à cette correspondance particulière le nom de correspondance secrète. Il y a une différence très considérable entre ces deux expressions. Les fonctionnaires recoivent tous les jours des lettres particulières, c’est-à-dire personnelles; le mot secrète indique une nuance coupable qui n’a ici nulle raison d’être.

2, — Lettres de M. de Cypierre, des 20 et 31 juillet.