Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

DEUXIEME PARTIE. — CHAPITRE I 89

le consommateur. Par ses soins, des farines et des blés sont vendus à bas prix; le blé descend aussitôt de 10 ou 12* par septier, au détriment du producteur. « Le signal du pillage est donné. A Nantes ei à Rouen, la populace, généreusement traitée dans les marchés antérieurs, s’attroupe pour prendre la denrée au prix qui lui convient, ou l'enlever de force. Le feu se communique de ville en ville, de bourg en bourg, de village en village. En Normandie, on pille les grains dans les lieux publics et Gans les greniers du laboureur. » Les mots de disette et de cherté deviennent le cri de guerre d’une partie de la nation; cependant, cette panique n’est pas justifiée, car « aucune province, aucune ville n'a manqué de grains ; et loin que le prix commun du Royaume ait êté excessif, comme la fermentation présente pourroit donner lieu de le croire, il n’a pas même été cher. En balancant les prix de toutes les généralités, depuis que les lois ont rendu la liberté au commerce, le prix commun des quatre années ne paroît pas avoir excédé 21 où 22# le septier de Paris, pesant 240 liv.… Le prix des anntes 1767 et 1768 ne paroît pas avoir monté à 271 le septier ; or les prix du marché d'Amsterdam et du marché général de l'Europe roulent de 21 à 27#; ce n’est point là chertée. Lanation ne trouva point ces prix exorbitants, lorsque les écrivains économistes lui annoncèrent que la liberté les pourroïit porter à ce taux, le Gouvernement ne les jugea point tels, lorsqu'il permit-la sortie des grains, jusqu’à ce qu'ils fussent à 30# le septier ; les cours souveraines ne craignirent pas qu'ils fussent onéreux au peuple, lorsqu'elles enregistrèrent avec acclamation les lois favorables à la liberté *. »

Le Parlement de Rouen, en présence des rapides progrès de l'émeute ?, dut prendre d’énergiques mesures de répression. — La Bourgogne, la Champagne, l’Artois, l'Orléanais furent également le théâtre de séditions graves : le grain est arrêlé, rançonné, {axé, vendu de force ou pillé.

1. Roubaud, op. cit., pp. 10. 93.

2. « Il seroït facile de démontrer que des causes absoliment étrangèr:s au commerce des grains ont dû nécessairement jeter une grande partis du peuple de la haute Normandie (oct. 68) dans la plus affreuse misère. On scait, par exemple, que l'usage des indiennes et des toiles d'Orange a ruiné les manufactures de siamoises et autres classes de coton, communes aux environs de Rouen. L'industrie a donc manqué de salaires, lorsque ses étoffes ont cessé d’avoir du débit; et quel que soit le prix des grains, il faut qu’elle souffre jusqu'à ce qu’elle présente des services agréables au public. » Roubaud, op. cit., 276.